Page:Otlet - Traité de documentation, 1934.djvu/193

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
188
242
LE LIVRE ET LE DOCUMENT

La carte est un moyen de marquer le connu et l’inconnu. Ex. : La comparaison de la carte d’Afrique ou des régions polaires, il y a quelques années et aujourd’hui. La comparaison entre la carte des océans au début des études océanographiques et aujourd’hui.

f) Pour l’enfant amoureux de cartes et d’estampes, l’Univers est égal à son vaste appétit. Comme le monde est grand à la clarté des lampes ; aux yeux du souvenir que le monde est petit. (Baudelaire.)

g) Les cartes et plans ont deux caractéristiques essentielles : 1° être la représentation de l’espace (superficie ou trois dimensions) et par là être une espèce du genre qui s’étend à tous les exposés à base du lieu (voir n° 224) ; 2° être cette représentation de l’espace sous forme conventionnelle et abstraite et par là être ainsi une espèce du genre qui s’étend à toutes les images schématiques (voir n° 222.32). Le fait pour une carte ou un plan d’avoir une existence autonome ou de faire partie d’un autre document est secondaire, bien qu’il s’en suive certains effets documentaires.

2. Historique.

Dans le principe, on dessina les cartes sur des tables ou planches (d’où les mots tabula et mensa). L’emploi de pièces d’étoffes pour cet objet introduisit plus tard le mot de mappa que les Espagnols et les Anglais (map) ont conservé dans le sens absolu et exclusif de carte géographique et d’où est dérivé le mot français de mappemonde. Enfin lorsque le parchemin et le papier remplacèrent les tables et les mappes, le nom de carte vint se substituer aux dénominations précédemment admises.

Le moyen âge semble n’avoir connu que des représentations assez grossières du globe terrestre ; elles brillaient par leur rareté et par leur absence de précision scientifique, alors même que leur exécution révèle parfois des qualités esthétiques de choix. Les tables gravées sur argent ou les sphères précieuses étaient des objets d’art et de luxe, dont la possession était réservée aux Souverains. La fameuse mappemonde de Fra Mauro (1439), monument capital dans l’histoire de la Cartographie, ne connaît point elle-même les parallèles ni les méridiens. Avec l’imprimerie, au moment de la Renaissance, la cartographie prend un grand essor. En 1471 est publiée la première traduction latine de Ptolémée, en 1478 la première édition de ses cartes gravées sur cuivre. Destinées à fixer les nouvelles découvertes, elles passent dans toutes les mains et les cartographes sont amenés à envisager sous toutes ses formée le problème des projections.

Désormais une fièvre cartographique secoue l’Europe. Des ateliers travaillent en Italie, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas. En 1570 Mercator complète les cartes ptoléméennes et applique divers systèmes de projection. Ortelius publiera des collections de cartes modernes sous le titre générique de « Théatrum Orbis » dont le début remonte à 1570.

Colbert avait le souci de posséder des cartes exactes, permettant aux navigateurs de gagner plus sûrement les ports des Indes, sans l’aide des pilotes hollandais qui n’étaient d’ailleurs pas disposés à mettre leur expérience au service des Français.

Les vieux « portulans », les cartes, les atlas du XVIIe et du XVIIIe siècle n’étaient pas seulement des documents, c’étaient encore des œuvres d’art rehaussées de vues, de figurines et d’ornements exécutés avec un soin précieux.

Les premières cartes reproduites par la gravure datent de quelques siècles à peine. Elles étaient l’œuvre de particuliers : de savants comme les Mercator, les Ortelius ; d’imprimeurs comme les Hondius ; de libraires-éditeurs comme Frickx ; puis de militaires comme ce général comte de Ferraris qui a doté les Pays-Bas de la première carte topographique. Plus tard on doit citer en Belgique l’extraordinaire Philippe Vander Maelen, qui a publié, outre de nombreux atlas, les premières cartes topographiques au 80,000e et au 20,000e de la Belgique indépendante. De nos jours la carte d’un pays exige un travail énorme, une exactitude de plus en plus grande, des détails de plus en plus nombreux. Il faut disposer de capitaux et d’un personnel nombreux et exercé. Les États ont confié la confection des cartes, leur publication et leur tenue à jour à des établissements officiels : le service géographique de l’Armée en France, l’Ordonnance Survey en Angleterre, l’Istituto Geografico Militare en Italie, l’Institut Cartographique Militaire en Belgique.

Les anciennes cartes géographiques étaient fondées sur des reconnaissances, des postulats ou des arpentages partiels. Elles n’avaient encore pour assurer leurs bases ni grandes opérations de géodésie, ni observations astronomiques. Elles restaient très fautives quant aux formes générales des grandes régions et aux dimensions de continents. La Méditerranée dans les cartes de Sanson est trop longue de 300 lieues et de 1500 lieues trop avancée à l’Orient.

Plusieurs mappemondes du moyen âge représentent la terre comme carrée. Cette figure étant commandée à l’esprit des géographes par un texte de l’Évangile de St-Mathieu disant que le Seigneur enverra ses anges aux quatre coins du monde pour y faire résonner les trompettes du jugement dernier.

Les mappemondes anciennes semblent avoir été établies souvent sans proportions avec le souci d’y placer les noms rencontrés dans les géographies et les voyageurs. La carte participe ainsi de l’inventaire et de la classification.

On avait autrefois dans les bibliothèques d’énormes