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LE LIVRE ET LE DOCUMENT

ques et les plaques pour appareils de reproduction de musique de documents.

d) La musique a vu surgir de nouveaux instruments : le groupe des sax, les tubas de Verdi, l’emploi de tuyaux métalliques pour les flûtes s’est très répandu. On a construit des violons métalliques dont le son rappelle celui de la trompette. L’époque actuelle devrait faire surgir de nouveaux instruments plus sensibles, puisque l’harmonie tend davantage vers les intervalles rapprochés, les dissonances et même les tiers et les cinquièmes de ton (Debussy.) Il y a les instruments composites, l’orphéol, le luthéol de Cloetens.

e) Il a été produit dans ces derniers temps nombre d’instruments électriques, radioélectriques ou photoélectriques. Il ne s’agit pas de ramener l’art à la science ou inversement. Les techniques nouvelles apportent seulement le tribut de moyens nouveaux avec tous les avantages inhérents à leur nature : extension à toutes les régions de la gamme, prolongement du registre des divers instruments existants, production de mélodies anharmoniques, transposition instantanée et automatique des morceaux, transmission électrique ou radioélectrique de la musique avec ou sans fil, distribution rationnelle du son au moyen de hauts parleurs disposés en raison des nécessités acoustiques.

L’étherophone de Thérémits (instrument sans clavier). Le piano radioélectrique de Grivelet (instrument avec clavier). Le cellulophone de Toulon. L’orgue radioélectrique de Bertrand.[1]

Dans l’orgue électronique, les sons sont produits par les oscillations électriques de lampes. Le clavier de l’orgue est en contact avec ces lampes. Une touche du clavier, en s’abaissant, forme contact et relie à la lampe oscillante le circuit filtré d’un jeu qui lui donne le timbre cherché et le sonorise dans un haut parleur.

f) L’inventeur de l’harmonium de bruiteur. M. Russolo, propose, au point de vue musical la conception de l’« inharmonie ». Il insiste sur les nouvelles possibilités infinies de cette vision musicale absolument différente de l’harmonique traditionnelle. Celle-ci se peut considérer comme verticale, tandis que l’inharmonie peut se représenter dans un développement horizontal du passage des tons bas aux tons hauts et vice versa, dans une forme inharmonique.

242.55 Notation musicale.

a) De même que les chiffres, les notes sont d’invention relativement récente. Guy d’Arezzo aurait le premier imaginé de remplacer les lettres musicales par des points disposés sur des lignes parallèles (1023). D’abord égales en durée, les notes furent ensuite distinguées en blanches, noires, par le Chanoine Jean de Muris (1338). J-J Rousseau et plusieurs musiciens, de nos jours, ont essayé de substituer les chiffres aux notes,

b) Le langage de la musique est d’une telle subtilité que les signes qui le fixèrent demandèrent plus de recherches et exigèrent plus d’essais que le langage ordinaire. Cette notation ne s’établit que plus tard, après beaucoup d’hésitation. Mais comme toutes les inventions humaines, son développement suivit les règles de notre esprit analytique qui ne cesse de viser à une plus grande clarté.

Au début les musiciens interprétaient de mémoire les airs qu’ils entendaient. Ainsi les Égyptiens, les Chaldéens, les Syriens et les Hébreux. Ce procédé était peu propice à faciliter le développement de l’harmonie. Les Grecs ne plaquaient jamais d’accord, ils s’abandonnaient au plaisir simple d’une mélodie que tout laisse croire aussi rudimentaire que celle des Arabes et des Orientaux. Les Grecs notaient ce qu’ils jouaient au moyen de leurs lettres alphabétiques, à l’imitation des Indous. Les Romains suivirent l’exemple des Grecs. D’où encore pour les Allemands et les Anglais, un A pour noter « la », un B pour noter « si ».

Au VIIIe siècle, les moines imaginèrent de marquer les mouvements ascendants de la voix par un accent aigu et les mouvements descendants par un accent grave. On juxtaposait l’accent aigu et le grave, qui prenaient différentes positions selon l’intonation que l’on voulait indiquer. Le groupement de ces accents constitua ce qu’on appela des neumes, longs signes qui équivalaient en réalité à plusieurs notes. Les copistes scindèrent ces neumes qu’ils réduisirent par abréviations à de simples ponts de forme carrée ou en losanges. Puis on leur donna pour point d’appui une barre horizontale dont elles étaient plus ou moins rapprochées. Deux lignes augmentaient la signification de la note, qui évoluent bientôt sur trois, puis sur quatre lignes.

Gui d’Arezzo indiqua le début de chaque vers de l’hymne à saint Jean par une syllabe différente qui correspondait au nom de la note. De ces syllabes on ne garda que les premières lettres et de celles-ci que celles qui donnèrent naissance à nos clefs. Les barres de mesures, les bécarres, bémols, dièzes, furent introduits successivement. Par le « si » modulant, par le B tantôt « mollis », tantôt « quadratis », le chromatisme a pu se développer jusqu’au jour où pour la première fois il acquit avec Monteverde une puissance dramatique qui fut la plus grande révolution musicale de tous les siècles.

À mesure que l’écriture se précisait, l’harmonie devenait plus savante. Au XVIIe siècle, Monteverde mêlait à l’harmonie consonante, jusqu’alors exclusivement en usage, l’harmonie dissonante naturelle. Il créait au surplus le système tonal actuel basé sur l’attraction de la note sensible et de la sous-dominante. Ce système devait détrôner le plain-chant. En 1581, Vincent Galilée aban-

  1. Michel Adam : Revue Générale de l’Électricité, 7 janvier 1928. Revue Scientifique, 25 février 1928, p. 120.