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LE LIVRE ET LE DOCUMENT

Il y a en ce moment un certain retour à l’expression par l’image en diminuant la valeur explicative du dialogue. La parole n’est plus nécessaire à la compréhension. Elle n’est qu’un élément de plus entrant dans la synthèse cinégraphique (chœurs, conversations générales, cris, chant).[1]

c) Le film sonore vient amener une transformation dans la technique depuis le scénario jusqu’à l’architecture des décors, le choix des artistes, la prise de vue. Il y aura le film intégralement parlant qui restera toujours placement rationnel. Mais le film muet comportera de la musique, des conversations et sera projeté dans tous les pays. Les parties peu importantes du dialogue pourront être tournées en deux versions : l’une muette et l’autre parlante. Les parties principales seront tournées dans les principales langues du globe. La cadence des images sera de 24 à la seconde au lieu de 32 ou 34.

d) Le cinéma s’est sonorisé et la radiophonie s’oriente vers la télévision.

Le film parlé, par un détour, nous reconduit au document. C’est Gaumont lui-même qui le dit.

L’admirable de l’invention, c’est la possibilité extrême de disposer de l’équivalent d’une gamme infinie d’instruments, chacun de timbre différent et dont nul luthier ne serait capable de créer le timbre. Une intervention de la main sur le film même, peut ajouter telles harmoniques nouvelles.

243.36 Espèces de films.
243.361 GÉNÉRALITÉS.

On distingue diverses espèces de films : 1° les films scientifiques destinés plus particulièrement à des spécialistes déjà au courant des sujets traités et non à la vulgarisation pour le grand public : 2° le film d’un intérêt général, spécialement édité pour les écoles et destiné à compléter l’enseignement des matières ; 3° les films-affiches (poster-film), constitués par des dessins animés, des diagrammes, projetés sans arrêt dans les endroits publics, par des appareils automatiques ; 4° les films dramatiques bâtis sur un scénario et interprétés par des acteurs ; 5° les documentaires, reportages, et destinés aux programmes des théâtres et cinémas publics.

Le cinéma aussi est récréatif, artistique, scientifique, documentaire, pédagogique ou social.

243.362 FILMS ARTISTIQUES.

a) Le cinéma s’est affirmé le septième art. « Il faudrait, dit M. Pierre Benoit, que les intrigues mises à l’écran fussent conçues immédiatement par leurs auteurs sous la forme cinématographique, comme le sujet d’un roman se présente au romancier en chapitres, comme pour l’auteur dramatique l’action prend de suite la forme du dialogue. Songez quelles ressources le « simultanéisme » de l’écran offre à l’écrivain d’imagination. Il lui permet de réaliser le mouvement que la lecture des chapitres d’un livre tend quelquefois difficile à obtenir, de donner en un clin d’œil par des paysages l’atmosphère que les longues descriptions arrivent à peine à créer, de rendre tout comme tangible. »

b) Le cinéma ne tuera pas le théâtre, mais il lui fait déjà une concurrence inquiétante. Le film reste toujours et partout le même, dans les petites localités comme dans les grands centres. On n’en peut dire autant des théâtres de province. Les grande films sont très chers, mais une fois établis, il n’y a pas de frais d’artistes à payer journellement.

c) On a monté des films énormes.

Salambo, 2,500 mètres, 10,000 acteurs, 300 chevaux, 7 actes, mise en scène grandiose, édité par le Photodrama de Chicago. Prix de ce film 1,215,000 francs.

Le grand film allemand (de l’Union Gesellschaft) sur le XVIe siècle anglais (Henri VIII et Anne de Boleyn) a coûté pour l’édification seule de la ville « Bolleynstaad » 1,250,000 marks. On a reproduit en plâtre tout Westminster. 4,000 figurants. 200 ont eu des rôles à remplir, 200 chevaux 20 régisseurs.

Le film Le cœur de l’Asie — l’Afghanistan, vient de paraître, comme résultat de l’expédition cinématographique spéciale du « Sovkino » sous la direction de M. Yerofew (à qui l’on doit aussi Au delà du cercle polaire et Le Pamir), La méthode est celle des faits, mais des faits significatifs, pittoresques, marquants, réunis pour caractériser la localité photographiée. Le film montre le système moyen âge de l’Afghanistan : nomades féodaux, paysans, ainsi que les rapports entre les différentes classes de population, et sur le fond de cet état social arriéré, les germes d’une époque nouvelle, les réformes d’Amanoullah Khan, les nouvelles institutions et les nouveaux rapports des différentes tribus et classes par rapport aux réformes.

d) Les scènes du passé qui n’ont pu être cinégraphiées ne seront pas perdues cependant pour le film. On les reconstituera dans des milieux et avec des personnages d’une existence éphémère mais suffisante pour en fixer la représentation. De là les immenses chantiers où l’on voit évoquer des époques entières et des pays entiers. Le film Robin Hood, par exemple, fait revivre toute l’époque de Richard Cœur de Lion. Vingt-deux experts et techniciens ont travaillé avec l’aide de 146 volumes traitant des mœurs et coutumes de ce temps. Dix mille artistes ont travaillé à la réalisation de cette production.

e) Le principe du cinéma russe a été exposé de la manière suivante. La tonique de notre temps est la men-

  1. Parmi les films parlants remarquables : La mélodie du monde. Halleluyah, City street, Quatre de l’infanterie, L’opéra de quatre sous, Jeunes filles en uniforme, Le million, À nous la liberté, La lumière bleue, Le chemin de la vie, Je suis un évadé, Les lumières de la ville.