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LE LIVRE ET LE DOCUMENT

discussion. Gutenberg à Mayence vers 1550 ? Coster en Hollande ? Castaldi en Italie 7

Quoi qu’il en soit, l’invention de Gutenberg, associé à Johann Fust et Peter Schoeffer, paraît devoir être limitée à la fonte des caractères et ce furent ces trois hommes qui commencèrent réellement à produire les premiers livres imprimés (le Catholicon, la Bible de 42 lignes, le Psautier). Par des circonstances diverses et notamment le sac de Mayence, l’invention fut portée au dehors : Bamberg, Cologne, Augsbourg, Nurenberg, Bâle, Italie.[1]

b) L’invention de l’Imprimerie participe du caractère complexe de toute invention. Sont mis en œuvre des éléments divers dont les inventeurs n’aperçoivent pas ordinairement la diversité des rapports ni les développements qu’elles portent dans leurs flancs.

D’après les documents véridiques d’un procès, nous savons que Gutenberg, en 1439, s’associa des compagnons pour perfectionner la fabrication des miroirs (Spiegeln) dont il espérait tirer profit à la foire et au pèlerinage d’Aix-la-Chapelle ; nous savons qu’il craignait que ses amis ne disent que c’était de la sorcellerie.

L’association, qui comprenait un certain Hans Riffe, fut dissoute. Il résulte des pièces découvertes depuis qu’à Strasbourg, de 1436 à 1439, Gutenberg se livrait à des recherches onéreuses et secrètes ayant l’imprimerie pour objet (presse). À Avignon, de 1440 à 1446. Walter Riffe (probablement parent de Hans Riffe exclu par Gutenberg de l’Association) inventa les caractères mobiles en métal. À partir de 1445 à Mayence, Gutenberg réalisa la combinaison de la presse et du caractère mobile.

D’autre part, les miroirs en acier poli étaient connus depuis longtemps et n’offraient rien de mystérieux dans leur fabrication, mais c’est en Allemagne à cette époque que fut inventée la glace étamée si largement exploitée à Venise avec cadres de verre biseauté. Or, le nom de miroir (Spiegel, Speculum) était donné à de petits ouvrages parfois illustrés de gravures, et imprimés sur placard tabellaire la première fois en Hollande vers 1420-1430. Les plus anciens miroirs manuscrits remontent au XIIIe siècle, époque où Vincent de Beauvais composait son Speculum Mundi. On possède des miroirs obtenus au poinçon et au burin. On est amené à penser que l’association créée par Gutenberg avec des graveurs et des orfèvres avait pour objet précisément l’impression de ces miroirs sur plaque de métal. Il est intéressant de noter, en ces origines lointaines, une autre association, celles des idées où l’on voit à l’œuvre, d’une part les liaisons parfois tenues au début dans toute invention et, d’autre part, les liaisons avec le Miroir. Le livre reste bien un miroir et élevé au degré d’encyclopédie comme l’a voulu Vincent de Beauvais, il est Miroir du Monde.[2]

c) Quand en 1470 fut installée la première presse à imprimer en France, dans la Sorbonne même, l’Université de Paris avait sous son contrôle plusieurs milliers de parcheminiers, copiers et relieurs, fournisseurs des maîtres et des étudiants.

Au XVIe siècle, il aurait fallu 6,000 heures de travail à un des ateliers de copistes alors existant pour arriver à produire 10,000 exemplaires d’un de nos journaux de 4 pages. Le matériel actuel permet de réaliser le même travail en 175 heures. Les machines modernes mettent les artisans du XXe siècle à même d’exécuter des ouvrages qui exigeaient autrefois les efforts conjugués de 34 hommes.

Les premiers imprimeurs paraissent bien n’avoir eu d’autre idée de l’importance de leur travail. Ils regardaient le nouvel art, comparé avec le travail de la plume, simplement comme un procédé plus rapide et moins fatigant de produire des livres,

d) L’histoire de l’imprimerie est de nature à intéresser d’autres que des spécialistes. Elle comprend : 1° l’histoire des inventions qui ont sûrement développé cet art ; 2° l’histoire de sa diffusion et de son influence dans les divers pays et dans les divers ordres de sciences.

L’imprimerie n’a cessé de se développer depuis Gutenberg. Évolution marquée par ces étapes : 1° caractères gravée sur bois ; 2° caractères mobiles ; 3° presses ; 4° gravure ; 5° lithographie ; 6° presse à vapeur ; 7° rotatives ; 8° machines à composer ; 9° télautographie.

Les dates suivantes marquent des étapes :

1436. Invention de Gutenberg.
1820. Première presse à vapeur.
1850. Clichés de photogravure.
1870. Rotative ou machine continue.
1886. Machine à composer.

e) La diffusion de l’imprimerie commencée à Mayence vers 1450 n’a atteint l’Abyssinie qu’en 1923.

Les imprimeries se développent : elles sont de plus en plus nombreuses, elles s’installent dan* tous les pays, terres métropolitaines et coloniales ; elles augmentent leurs travailleurs et leur outillage et leurs installations.

f) Des collections relatives à l’imprimerie et à son histoire (outillage et matériel) ont été formées dans divers musées, notamment au Musée du Livre de Leipzig, au Musée Gutenberg à Francfort, au Musée Plantin à Anvers, au Victoria et Albert Museum à Londres.

Les progrès de l’imprimerie sont résumés régulièrement

  1. Une bonne histoire abrégée de l’imprimerie a été donnée par Van Hoesen et Walter dans leur « Bibliography enumerative and historical ».

    Voir aussi : Winship, Gutenberg to Plantin, Cambridge, Harvard University Press, 1926. — R. Peddie, Books on the practical side of Printing, Bibl. Soc. Trans. 9 ( 1906-18), p. 1. — Morison and Jackson, Brief Survey of printing, N. Y. Knopf, 1923.

  2. Pierre Gusman. — Avant d’être imprimeur, Gutenberg fit-il des miroirs ? Toute l’Édition. 10 juin 1933. — D’après les recherches de l’Abbé Requin.