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BIBLIOLOGIE

synthèses. Toute forme bibliologique, générale ou synthétique (par ex. un Traité, un Périodique) en se perfectionnant de son côté, entraîne la transformation, non seulement de ses propres formes particulières, mais de proche en proche, par imitation et par nécessité de coordination, entraîne les autres formes intégrées dans d’autres ensembles. À l’ensemble de ces mouvements, la Bibliologie doit apporter une attention spéciale : son étude constitue un point important de son objet.

133 Pluralité des systèmes bibliologiques.

1. Les peuples, au cours des âges, ont constitué leur système bibliologique, soit séparément, soit par imitation, soit par interinfluence. Il en est ici comme en Histoire naturelle. La cellule est au fond de toutes les formations, mais cependant chaque être a pu, à partir de l’existence purement cellulaire, prendre une direction divergente. Il en est ainsi comme en linguistique, le point de départ n’a pas été le même pour toutes les langues, elles se sont séparées dès l’origine avant de suivre leur route particulière et si leur évolution ultérieure est parallèle, elle ne coïncide pas entre elles dans leur système général. Les systèmes bibliologiques, Assyriens, Égyptiens, Grecs, Occidentaux, Orientaux, Primitifs, chaque peuple a donné naissance au sien. Ultérieurement, les évolutions ont fini par se confondre ou tout aux moins un système, le plus avancé, s’est substitué aux autres.

2. Il y a donc un « phénomène bibliologique », « effet bibliologique » (le mot effet est entendu ici dans le sens de phénomène bibliologique comme on dit par exemple l’effet photoélectrique). Il consiste essentiellement dans l’application de signes sur des supports (en surface ou en volume).

3. On doit se demander dans quelles mesures les propriétés bibliologiques reconnues ici affectent-elles vraiment la pensée coulée en forme documentaire ? Pour y répondre, il faudrait pouvoir dresser en parallèle le tableau d’un même ordre de pensée dans les divers cas considérés : a) parole improvisée, enregistrée par la sténographie ; discours écrit ; discours prémédité, mais non écrit ; b) récit spontané et conte ou roman écrit ; c) poésie orale et poésie écrite ; d) théâtre improvisé et théâtre écrit ; e) méditation interne sur un sujet scientifique, et exposé documenté du même sujet ; f) tradition orale de souvenirs historiques et annales écrites ; g) recettes et pratiques d’un métier et doctrine professionnelle écrite.

4. Il y a lieu : 1o d’observer directement les faits ; 2o de les noter, de les décrire succinctement, de les répertorier ; 3o de les analyser sous tous leurs aspects, de les disséquer ; 4o de découvrir un rapport commun et constant liant tous les faits, prélude indispensable à l’élaboration de toute loi, à l’explication et à la détermination de la causabilité.

5. Il y a deux manières différentes de pratiquer la comparaison : 1o pour en tirer des lois universelles ; 2o pour en tirer des indications historiques.

6. Une science avancée est faite d’un ensemble de principes fondamentaux qui ne sont plus discutés par les savants ; d’un système de vérités établies, de lois démontrables et vérifiables expérimentalement. Mais le premier aspect d’une science, disait Kant, est un fouillis de phénomènes (Gewühl der Erscheinungen), une rapsodie de perceptions (Rhapsodie der Wahrnehmungen). Ainsi à la base de toute connaissance, il y a des descriptions : 1o bien exactes ; 2o faites en termes compréhensibles ; 3o mesurées ; 4o classées. D’où l’on s’élève à la considération des rapports généraux existants entre les éléments de la science envisagée et qui ont eux-mêmes été déjà décrits, dénommés et mesurés.

7. Toute méthode (meta-odos, chemin vers) s’exprime complètement dans un système et elle repose sur des principes. Il peut y avoir des systèmes divers et même nombreux, comme autant de chemins conduisant au même but et coordonnant les mêmes données que dégagent la pratique ou les discussions. Plusieurs systèmes aussi peuvent ne pas être opposés de principes, ni même de méthodes, mais exprimer seulement les différences d’étapes et de phases quant à leur élaboration.

134 Méthode d’exposé de la Bibliologie.

Deux méthodes dans l’exposé sont possibles. Ou bien traiter séparément en trois parties et même en trois ouvrages distincts : 1o la Bibliologie ; 2o la Bibliotechnie ; 3o les Règles, recommandations arrêtées ou préconisées par l’organisation internationale de la Documentation. — Ou bien traiter simultanément de ces questions, dans les cadres d’une classification unique dont les divers points seraient envisagés chacun à ces divers points de vue.

Dans le présent exposé, on a combiné les deux méthodes.