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PROBLÈMES GÉNÉRAUX

14 PROBLÈMES GÉNÉRAUX DE LA BIBLIOLOGIE

Comme toute science la Bibliologie a un problème fondamental sur lequel se concentrent constamment tous les efforts. Puisque le document consiste essentiellement en un mécanisme de transmission de la pensée par l’écriture et la lecture, ce problème peut être exprimé en ces termes : a) Lire la plus grande quantité, b) dans le moindre temps, c) avec le minimum de peine et de fatigue, d) le maximum d’assimilation, e) le maximum de mémorisation, f) le maximum de réaction intellectuelle (travail de la pensée), g) le maximum d’agrément.

1. Pour faire progresser la bibliologie il importe de préciser, de systématiser et d’étendre les recherches nouvelles. Les théories reposent souvent sur des données incomplètes, vagues, livrées par le hasard plutôt que choisies.

2. Il faut des observations toujours plus précises. La matière à observer ce sont les livres et les documents. Mais il ne suffit pas qu’ils soient déposés dans les Bibliothèques, il faut encore qu’ils y soient examinés du point de vue bibliologique (la forme) qui est tout différent du point de vue scientifique (le contenu). Il faudrait aussi des centres d’études, de vrais laboratoires où puissent travailler de concert des « bibliologues » exercés à manier les matériaux et les instruments d’étude. Les problèmes doivent être posés en commun et résolus par la coopération commune.

141 Problèmes pratiques.

1. D’une manière directement pratique le problème fondamental de la Documentation a deux aspects, l’un de fond, l’autre de forme.

a) Quant au fond.

La documentation n’est que le troisième terme d’un trinaire ; Réalité, Connaissance, Document. En conséquence, la Documentation a pour problème fondamental de formuler des méthodes propres, à dégager de l’amoncellement des documents les vérités originales, importantes, non répétées et placées dans le cadre systématique des sciences. Ce problème n’est pas sans analogie avec celui de la métallurgie, qui a pour objet une méthode pour séparer de la gangue les minerais dont le titrage est plus ou moins élevé,

b) Quant à la forme.

Le document n’est que le moyen de transmettre des données informatives à la connaissance des intéressés, qui, éloignés dans le temps et dans l’espace, ou dont l’esprit discursif a besoin qu’on lui montre les liens intelligibles des choses. Par conséquent, la documentation doit tendre à réaliser au maximum pour l’homme des conditions dont la limite à atteindre, soit l’ubiquité, l’éternité et la connaissance intuitive. Ces conditions sont idéales, étant impossibles à atteindre puisqu’elles sont celles-là où est placé le pur esprit. Mais on peut le tenir comme conditions-tendance.

Le problème est donc de chercher le perfectionnement du livre en lui-même (rapidité, richesse, extension, prix, etc.), le perfectionnement de chacun des éléments analysés, et le perfectionnement des substituts du livre, c’est-à-dire des autres moyens d’atteindre le but, des autres organes capables d’exercer la même fonction. La Documentation est partie d’abord du livre tel qu’il était donné par les auteurs et les éditeurs et elle a cherché à l’organiser. On doit se préoccuper maintenant d’étudier systématiquement le perfectionnement du livre et sa réforme en général et en lui-même. Ce mouvement soulève une suite de problèmes qui s’échelonnent ainsi :

a) La Bibliographie et la Bibliothéconomie ; Traitement des livres reçus tout faits, b) La Publication. Les types rationnels de publications et la règle pour les établir, c) La structure d’une science : La manière d’ordonner et de systématiser l’ensemble des données relatives à une science, d) La classification générale des connaissances : la manière d’organiser les rapports entre les diverses sciences, e) La synthèse scientifique : principes, lois et méthodes devant déterminer et dominer les données de chaque science particulière.

La Bibliologie doit envisager successivement ces deux questions :

a) Étant donné les livres produits au cours des âges et qui continuent à être publiés, quelles caractéristiques, matérielles, graphiques et intellectuelles présentent-ils, et comment ces divers éléments sont-ils capables d’exprimer des data intellectuels ?

b) Réciproquement, étant donné les data intellectuels, quels éléments matériels graphiques et intellectuels sont les mieux appropriés pour leur expression bibliologique et documentaire ?

2. En résumé, le problème pratique fondamental de la documentation peut encore être formulé en ces termes :

a) Comment toute pensée qu’elle soit intellectuelle pure, sentiment et émotion, ou tendances et volontés ; qu’elle se réfère au moi ou au non-moi, comment toute pensée peut-elle s’exprimer au moyen de documents, c’est-à-dire de réalités corporelles et physiques, incorporant ou supportant les dites données de la pensée à l’aide de signes ou de formes ou d’éléments différenciés perceptibles par les sens et reliées à l’esprit par une correspondance.

b) Comment les documents de toute espèce, pris individuellement, ou dans leurs parties, ou dans les ensembles et collections qu’ils constituent, peuvent-ils réaliser au maximum cette expression en se confor-