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BIBLIOLOGIE PÉDAGOGIQUE

ditions, qu’ils peuvent, eux aussi, lutter et travailler avec succès, sans verser ni larmes, ni sang ; tous ils peuvent apprendre à créer une vie nouvelle, et la créer toujours et partout avec insistance et ferveur, et cela sans se faire remarquer par ceux qui, maintenant, construisent leur bonheur et leur aisance sur les malheurs des autres.

« La force du livre et de la parole n’est pas encore utilisée pleinement, dit N. Roubakine. Nous n’avons pas encore trouvé les meilleurs moyens de nous en servir. Nous ne savons pas encore les mettre en pratique. De nos temps, le livre n’est pas encore un instrument de la lutte pour la vérité et la justice. Mais nous pouvons et nous devons le rendre tel. »[1]

156 Les rapports du Livre avec la Technique ou Bibliologie technologique.

1. La Bibliologie Technologique envisage les rapports du livre avec les moyens matériels de les reproduire et de les multiplier.

Il y a de nos jours une Technique Générale qui embrasse dans ses cadres tous les moyens raisonnés d’action de l’homme sur la matière ; tous les processus chimiques, mécaniques, électriques de l’industrie. Plus elle progresse et plus sont appelées à progresser ses applications au Livre et aux Documents.

L’invention dans un domaine retentit sur tous les autres ; il y a emprunts et apports réciproques entre les domaines. Par exemple : les principes des presses, du clavier de la machine à écrire, inspiré lui-même du clavier du piano, la redistribution automatique dans la machine à composer ont suggéré maints dispositifs dans d’autres domaines que l’imprimerie.

2. Il n’y a pas eu une technique complète du livre, il y a encore bien des recettes. Le traditionalisme domine toute cette matière où il semble que l’on ne soit pas plus avancé que dans les premiers arts, alors que les progrès étaient la plupart inconscients et s’élaboraient avec une lenteur que nous avons peine à nous représenter.

157 Enseignement ou Bibliologie pédagogique.

1. Dans une mesure considérable, les livres et les documents constituent un enseignement. Les livres, dès lors, jouent un grand rôle dans l’enseignement et réciproquement les cours enseignés donnent naissance à un grand nombre de livres.

2. L’importance de l’Enseignement oral relativement aux autres moyens d’étude n’a pas cessé de dominer. Avant la découverte de l’imprimerie, c’était le moyen principal de transmettre les idées. Les manuscrits ne pouvaient pas rivaliser alors avec la parole, mais peu à peu les imprimés ont pris la place principale dans les affaires intellectuelles. Ils ont porté la lumière hors des écoles, hors des villes, hors des pays civilisés. Les paroles fugitives ont été remplacées par quelque chose de durable et de précis, qui permet à chacun de réfléchir sur les raisonnements et de comparer exactement les opinions. Pourvu qu’un livre soit bien fait, il a plus de lecteurs qu’on ne voit d’auditeurs dans les cours les plus fréquentés (de Candolle).

3. L’art d’exposer s’inspirera de l’art d’enseigner. Or, celui-ci a subi une transformation profonde. Les nouvelles méthodes de pédagogie n’ont rien de commun avec les anciennes. Celles-ci étaient basées sur le principe faux que toute connaissance doit se fixer dans l’esprit au moyen de la mémoire. Il n’en est rien. On pouvait le croire à une époque où l’art d’enseigner consistait pour le professeur à transmettre ce qu’il avait lui-même appris et l’art d’apprendre à recevoir la parole de maître comme parole sacrée. Maintenant on s’est mis à étudier les phases de l’esprit humain, les manières dont les connaissances s’acquièrent dans l’enfance et dans le restant de la vie. Or, le cerveau humain à raison de la plasticité de son organisation cellulaire, est ainsi fait qu’il peut approvisionner les connaissances et les rappeler au moment voulu. Il est des circonstances qui peuvent aider ou contrarier le fonctionnement des centres nerveux. Tout ce qui est acquis ne doit pas être rappelé en même temps à la mémoire.

L’acquisition de la connaissance dépend de la force de l’impression. Acquérir la possession de la connaissance, sans imposer au cerveau un travail surchauffé et énervant. Toute forme d’activité moderne est agréable, tout travail fait avec plaisir, concentre sur lui toutes les forces mentales et, en conséquence tend à produire une impression profonde. Plus grande, pour un individu, est la facilité d’apprécier des ressemblances et des différences, plus sûrs et plus rapides seront son jugement et son raisonnement. Le principal de l’association fondé sur les ressemblances et les différences est un élément de grande valeur pour la

  1. A. Ferrière « La biblio-psychologie d’après les travaux de N. Roubakine » dans les « Archives des Psychologies », 1916. N° 12. — Du même auteur : « Transformons l’école », 1920, p. 93-98. — T. Kellen « Die Bibliologische Psychologie. Eine neue Wissenschaft von Büchern und Lesern » (« Deutsche Verlegerzeitung ». Leipzig, 1921. N° 22). — S. Salvoni « N. Roubakine » (« Culture Populaire », N° 6. 1923). — Carel Scharten « De Mensch en de Geleerde Nicolas Roubakine » (« Telegraaf », 17, VIII, 1922. Amsterdam). — V. Bauer « Biblio-psychologie, rovà weda o knize », dans le « Ceska Osveta », 1925, N° 6. — Thomson, J. « De macht van het boek » (« Algemeen Handelsblad », 4 en 5 Maart 1921). — Rocznik Padagogiczny, Serja II Tom II, 1924 (par Prof. H. Radlinskà).