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RÈGLES CONCLUANT LES PUBLICATIONS

situation qui consacre le droit de la masse, la démocratie.

L’Édition évolue dans le cercle de ces quatre facteurs ; à elle de les coordonner en elle à ses propres fins : produire des livres efficients quant à la quantité et à la qualité.

Qu’il s’agisse de travail intellectuel ou de travail social, on a vu se multiplier les Associations. Celles-ci sont reliées entr’elles par les liens de la fédération allant des Fédérations locales, régionales, nationales, aux Fédérations internationales. Et toutes, constamment, produisent des publications qui vont, prenant chaque jour plus d’importance et de développement. En particulier, il faut tenir comme organes publicateurs de premier ordre les grandes Associations internationales de toutes spécialités. Elles sont la représentation des effets et efforts collectifs mondiaux en chaque domaine ; elles incorporent en elles la souveraineté nécessaire pour statuer à l’instance supérieure sur les intérêts dont elles sont dépositaires et défenseurs. Elles entendent demeurer indépendantes du Pouvoir et de ses censures, de la Finance et de ses influences déformatrices. Leur action, leurs décisions, leurs travaux sont déterminants dans leur domaine respectif. Comme il y a actuellement en vie dans le Monde environ 400 Associations internationales, plus ou moins développées, mais ayant toutes, en germe tout au moins, un service de publication ; elles constituent dans leur ensemble une force éditoriale de première importance. Mais celle-ci n’est pas organisée.

Au moment où tous les problèmes d’une meilleure organisation de la Documentation se posent et se discutent, il est opportun d’esquisser un plan où les forces intellectuelles, commerciales et politiques de l’Édition trouveraient leur place et pourraient librement coopérer sans empiéter les unes sur le terrain des autres.

Il a donc été proposé de constituer sous une forme à examiner (cartel, trust, coopérative, entente, institut), un grand groupement d’efforts. Pour la facilité appelons le ici A, et appelons B la vaste collection de publications dont il lui appartiendrait de doter le Monde.

L’Éditeur collectif A serait constitué par toutes les Associations Internationales adhérentes. La Collection B comprendrait les diverses formes de publication dans lesquelles la pensée scientifique, informatrice, éducative est venue progressivement se couler. Ce serait, pour chaque domaine des connaissances et des activités, les dix formes suivantes :

1° un Traité général systématique ;
2° un Dictionnaire alphabétique ;
3° une Revue ;
4° un Annuaire renseignant sur les personnes, et les institutions ;
5° un Recueil de bibliographie : Titres et analyses ;
6° une Année relatant les progrès des douze mois écoulés ;
7° un Recueil iconographique des tables des données numériques ;
8° un Atlas de tableaux synoptiques ;
9° un Recueil des textes anciens ou classiques ;
10° un système de Catalogue-Inventaire.

Il s’agirait donc, sous le haut contrôle des Associations de chacun des secteurs du cercle encyclopédique que couvrent en son entier ces Associations toutes ensemble, de voir se produire la véritable Encyclopédie de chaque Science, et, en totalisant, l’Encyclopédie Universelle des Connaissances.

Hors la spécialisation d’une part, la synthèse d’autre part, on ne saurait plus parler maintenant d’Encyclopédie.

Les temps révolus ont connu des formes de celle-ci. Les Traités d’Aristote ont « encyclopédifié » la science du temps. Les Hommes du Moyen Age y ont procédé à leur tour. Quand les Encyclopédies du XVIIIe siècle produisaient leur œuvre, le savoir avait tellement grandi qu’ils le répartirent non plus en traités, tomes et chapitres, mais en articles disposés alphabétiquement. Encore produisirent-ils une œuvre originale, enregistrant pour la première fois des données qui, sans eux, n’auraient été écrites si tôt et si bien. Après eux, on procéda à des dictionnaires, à des Encyclopédies de vulgarisation. Mais notre époque se ressaisit, elle veut aussi l’œuvre centralisée de haute envergure et de portée intellectuelle fondamentale ; elle veut à sa manière réaliser le rêve séculaire de la concentration, du Biblion ou Livre universel.

Pour y parvenir, les Associations fédérées, l’entité A a la possibilité de s’adresser à l’entité collective B constituée en fait par toutes les Bibliothèques du monde. Si les Associations sont des coopératives, de producteurs intellectuels, les Bibliothèques sont des coopératives de consommateurs intellectuels. À elles d’acquérir, de classer, de cataloguer, de conserver, de communiquer les livres aux chercheurs, aux lecteurs. Mais le devoir s’indique aussi pour elles d’aider à produire de meilleurs livres. Les Bibliothèques constitueraient donc chacune chez elles, en leur entier si elles sont générales, pour telle ou telle partie si elles sont spéciales, le dépôt de la Collection B : l’Encyclopédie coopérative mondiale. Elles deviendraient ainsi les stations organisées d’un grand réseau de distribution de l’information scientifique la plus complète, la plus récente, la plus autorisée. Chaque travailleur de l’intelligence serait certain de trouver chez elles l’expression à jour des connaissances organisées et ce qu’elles