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ORGANISATION RATIONNELLE DU LIVRE

Livre pour les études et les recherches et obvier ainsi aux difficultés inhérentes à l’extrême dispersion des ouvrages. Mettre cet instrument de travail à la disposition des organismes mondiaux, tant officiels que privés, qui eux-mêmes se sont rapprochés a Genève par les nécessités de la concentration et dont les bibliothèques particulières, purement administratives, ne sauraient satisfaire complètement à leurs besoins.

Mettre à l’abri, à l’endroit tenu comme le plus protégé du monde contre les guerres et les révolutions, un prototype de tous les ouvrages paraissant dans le monde. Par cet exemplaire de réserve, assurer les livres contre les autres dangers de destruction qui les menacent. Rendre aussi possible leur accès en tous temps, quelles que puissent être les prohibitions qui les frapperaient dans leur pays d’origine ou de dépôt.

3. Composition générale de la Bibliothèque — La Bibliothèque recevrait : 1° toutes les publications officielles des États et de leurs administrations ; 2° celles des corps savants, éducatifs et sociaux ; 3° les revues ; 4° les principaux journaux quotidiens. Toutes ces publications doivent être reçues presque sans frais. Un exemplaire de contrôle de toutes les publications échangées par l’intermédiaire du service des échanges internationaux y serait déposé. De même, les auteurs y doivent envoyer leurs ouvrages, eux-mêmes ou leurs héritiers ; des collections privées doivent être sollicitées ou données en legs. Les Associations Internationales doivent être invitées à y déposer leurs propres fonds. Et les doubles ouvrages résultant d’une meilleure coordination des Bibliothèques nationales devraient servir avant tout à alimenter les collections et éventuellement à faciliter par elles le prêt international.

Au sein de la Bibliothèque mondiale doivent être constitués des Fonds Internationaux et Collections Internationales pour les brevets d’invention, les recueils des lois promulguées, les statistiques, les manuscrits et papiers d’archives modernes, les musiques, les photographies, les gravures, les films cinématographiques, les disques de phonographe, etc.

4. Organisation et Coopération. — L’organisation doit être celle d’une Fondation autonome, coopérative, administrant tous les fonds possédés ou déposés ; chaque participation doit pouvoir éventuellement conserver la propriété de ses ouvrages ou collections, mais en mettre en commun la jouissance. Les intéressés ont à être représentés au sein du Conseil d’administration de la Fondation.

En particulier, l’Association Internationale des Éditeurs et celle des Auteurs et Éditeurs devraient coopérer à l’Institution afin de réaliser au point de vue mondial, ce que les Éditeurs allemands ont déjà fait à Leipzig pour le livre allemand (Deutsche Bücherei).

5. intérêt spécial pour les petits et moyens pays. — Les grands pays ont pu réaliser des ensembles documentaires de haute valeur, tant pour leurs bibliothèques que pour leurs offices de législation étrangères, etc. mais les petits pays ne peuvent espérer de longtemps réaliser par leurs seules forces des ensembles équivalents. Il ne leur reste donc qu’à accepter pour leurs ressortissants une situation infériorisée, ce qu’ils ne sauraient consentir sans déchéance, ou à être tributaires des grandes nations. Cette dernière solution n’est pas sans danger. Car la grande nation organise ses institutions documentaires à l’avantage de ses nationaux avant tout : langues employées, matières des collections développées, facilités d’accession, privilège dans l’ordre des services, mesures quant au secret des communications et à l’exercice des censures, etc. Dans l’état politique incertain des conventions bilatérales à ce sujet ne constituent pas une garantie absolue. En cas de guerre, de blocus, de révolution, de neutralité, de changement de régime intérieur, que deviendraient ces accords ? Dans ces conditions, la solution coopérative offre la solution la meilleure. La Bibliothèque mondiale, en tous ses départements, se présente comme un organisme coopératif et fédératif et chaque nation en étant membre, c’est sa chose pour partie indivise qu’elle est appelée à gérer dans son intérêt propre en même temps que dans celui des autres nations coopératrices.

6. Bibliothèque des Associations Internationales. — Il existe au moins une centaine d’Associations Internationales qui ont commencé des collections. Et toutes les Associations Internationales, sans distinction, sont en devoir et en situation d’en former, si les facilités à cet effet leur étaient données. La Bibliothèque mondiale est à même de les fournir dans les conditions les plus économiques et les plus avantageuses en réalisant simultanément un double objectif : mettre les Associations à même d’organiser leur propre bibliothèque et assurer en même temps l’accroissement des collections mondiales.

7. Centre des Bibliothèques du monde et d’un Réseau Universel de Documentation. — Il y a dans le monde aujourd’hui un millier de grandes bibliothèques et des dizaines de mille moyennes et petites.

De ce que la Pensée Universelle est une, de même tous les Livres dans lesquels elle trouve son expansion sont les éléments d’un grand Livre Universel idéal. Et toutes les Bibliothèques particulières qui les conservent sont des parties d’une Bibliothèque qu’en esprit on peut considérer universelle aussi, bien que divisée en multiples collections. Mais pour rendre sensibles à toutes ces bibliothèques les liens de solidarité intellectuelle qui les unissent, et pour faciliter à l’avenir les relations entr’elles, il convient qu’une Bibliothèque Mondiale leur serve de centre commun.

8. Dépôt de sûreté en cas de guerre. — Les dangers de guerre sont de nouveau si grands qu’il faut préparer d’avance pour une telle éventualité une protection des livres rares de tous les pays. De même que la Croix Rouge prépare dès maintenant les services à apporter en