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BIBLIOLOGIE

remplacer, pour la digestion de la pulpe de bois, le bisulfite par la soude caustique. Celle-ci serait préparée sur les lieux mêmes d’utilisation en prenant du sulfate de soude de fabrication anglaise : ce sel est traité pour soude par un procédé analogue à celui de Leblanc. Ce mode de préparation de la cellulose est donc appelé fort improprement procédé au sulfate. Il donnerait un papier de très bonne conservation.

4. En principe, le papier est composé de cellulose, c’est-à-dire une combinaison dans laquelle entrent 36 grammes de charbon et 41 grammes d’eau.

Le beau papier autrefois se faisait de vieux chiffons de lin et de chanvre, mais les fibres de ces végétaux ont été remplacés par tous les végétaux plus ou moins fibreux ou par ceux dont la tige creuse est désignée sous le nom de paille : riz, maïs, ortie, houblon, genêt commun, bruyère, roseaux de marais, joncs, aloès, agave, bambous, alfa, phormium, tenax, hubuscus, mûrier à papier (broussonetia), arable papyfera, etc. On a été jusqu’à utiliser les tiges de réglisse, de guimauve, de pois, de pommes de terre, les feuilles de chataîgnes, voire même les algues marines.

En Indochine, on imprime sur du papier fabriqué avec du bambou, avec de la paille de riz et du tranh ou herbes à paillottes dont il existe, là-bas, des quantités inépuisables. Le tranh donne un papier très étoffé, très solide ; la paille de riz, au contraire, un papier très blanc mais fragile. On va utiliser les plus qui couvrent en Indochine des milliers de kilomètres, et le « papyrus cyperus », qui au Gabon, produit un papier magnifique. On va utiliser également le « ravinata », le « votoro », le « herana », végétaux très abondants à Madagascar.

On a proposé d’utiliser les feuilles des arbres. Elles se composent d’un tissu vert, le parenchyme soutenu par des nervures. Un broyage suivi d’un lavage permet d’isoler les nervures seules utilisables ; le parenchyme tombe en poussière et peut servir à la fois de combustible. La France importe annuellement 500.000 tonnes de pâte à papier, qu’elle paye cent millions de francs. Or ses arbres laissent choir annuellement de 35 à 40 millions de tonnes de feuilles. Il suffirait de 4 millions de tonnes pour fabriquer tout le papier consommé en France et en outre 2 millions de tonnes de sous-produits utiles.[1]

5. La fabrication du papier a fait des progrès considérables en ces dernières décades. Le progrès a porté sur les machines ; il porte maintenant sur les matières employées. On fabrique du papier au latex de caoutchouc qui, par l’imperméabilité qu’il confère aux feuilles, les met à l’abri de tout rétrécissement. N’étant pas absorbant, il demande moins d’encre ; sa souplesse facilite la pliure du papier.

6. Le film en celluloïd est devenu un support dans la photo et dans le cinéma. Il est en voie d’être remplacé par le film sonore en papier, incombustible, complété par le film photographique en papier.

Le papier a été longtemps le support-roi. Le celluloïd, par le film, a tendu à le détrôner. Mais on entrevoit qu’à son tour le papier pourra bien l’évincer.

7. Ainsi, de compositions en compositions, de substituts en substituts, le papier tend à ne plus être ce qu’il était à son origine, mais sa fonction dominant sa composition, peu importe sa substance, pourvu qu’il puisse le mieux servir soit de support aux signes, s’il s’agit de livres et de documents, soit de support ou de couleurs et de motifs s’il s’agit d’usage décoratif, soit encore de simple protection ou résistance s’il s’agit d’emballage, de couverture ou de confection d’objets.

On sait quel immense problème d’ordre économique pose aujourd’hui le papier, à raison du fait que les forêts s’épuisent, qu’on va les chercher de plus loin. On étudie actuellement, dans les laboratoires, le moyen de substituer au bois et à la pâte de bois, des graminées que l’on pourrait faucher tous les ans, qui seraient, en quelque sorte, comme le papyrus ancien, ce qui permettrait de mettre fin à ces hécatombes de forêts, lesquelles pourraient avoir d’autres destinations.

Nous serions à la veille d’une révolution dans l’industrie du papier. Les perfectionnements techniques ont, depuis la guerre, fait passer la production journalière par machine de 30 à 100 tonnes. Mais on considère maintenant pouvoir demander à la paille un substitut du papier. Le nouveau papier pourra mieux être conservé que l’actuel, auquel une longétivité de quinze ans seulement est assurée. Du nouvel état de chose résultera un déplacement des centres de production du papier, qui sont aujourd’hui au Canada et en Norvège, le pin et le sapin étant par excellence des arbres à papier.

On est arrivé à une sorte de substance unie mais constamment renouvelée. Le papier blanc des usines se couvre de caractères. On le lit. Après usage on le renvoie aux usines d’où, refondu, il ressort en blanc pour servir de substratum à de nouvelles et éphémères inscriptions.

221.14 Espèces de papier.

1. Les papiers sont d’espèces multiples.[2]

Papier vergé. Papier de Hollande. Papier Whatman Velin : il a la transparence et l’aspect de l’ancien vélin véritable. Papier de Chine (fabriqué avec l’écorce de bambou). Papier de Japon. Simili Japon. Papier de ramie. Papier d’Alfa. Papier indien. Papier léger. Papier parchemin. Papier Joseph. Papier végétal. Papier bulle.

2. La durée d’un livre est en rapport étroit avec la qualité du papier dont il est fait : on pourrait classer les livres de bibliothèque en cinq catégories suivant la qualité du papier employé à leur confection.

  1. E. PERRIER : « Le monde vivant ». Le Temps, 10 juin 1918.
  2. Cim. Petit amateur de livres. 1. Papier.