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BIBLIOLOGIE

En 1886 a été établi à Gross Lichterfelde près de Berlin, un institut pour l’essai du papier. À l’origine, son objet était exclusivement de contrôler tout le papier fourni aux services du Gouvernement prussien. Bientôt, il fut utilisé aussi par les commerçants résidant en Allemagne et même à l’étranger, qui désiraient voir vérifier si leurs papiers étaient conformes aux règles formulées par l’Institut. Celui-ci contrôle la composition, le format, l’épaisseur, le poids, la consistance, le toucher, la résistance à l’humidité et le pouvoir d’absorption, la perméabilité à l’égard de la lumière. Au début, les producteurs allemands se montrèrent hostiles à l’établissement de l’institut. Bientôt cette opposition disparut et l’on reconnaît les avantages des essais officiels du papier. Aujourd’hui on attribue à cet institut une partie du succès du développement de la fabrication du papier en Allemagne.[1]

Un laboratoire officiel d’analyses et d’essais de papier fonctionne au Bureau des Standards, à Washington.

Les questions relatives à la conservation du papier ont été examinées par la Commission de Coopération Intellectuelle. Le New-York Times, pour répondre aux desiderata de la conservation du papier, imprime maintenant une édition spéciale sur « All-Rog Paper ».

La Library Association (London) a formé un Comité pour l’étude des questions relatives à la durabilité du papier.[2]

221.16 Consommation et prix.
221.161 CONSOMMATION.

Pour toute la France, la consommation du papier destiné au livre serait de 180 à 200 mille kg. par jour, celle du papier à journal de 60 mille kg.

Le tiers de la consommation totale du papier pourrait être du papier d’impression ordinaire, tandis que le papier d’emballage comprend environ les deux tiers.

Ces dernières années, la consommation du bois a considérablement augmenté. La superficie du sol en forêt est de 61 % en Russie et de 4 % en Angleterre. Les forêts du Canada et de l’Amérique ont été décimées. Les États-Unis consomment annuellement 90 millions de traverses. On prévoit une famine de bois aux États-Unis et au Canada dans quinze ou vingt ans.

Les États-Unis en 1880, consommaient trois livres de papier à journaux par tête d’habitant chaque année. En 1920, il en consomme 35. Cette année-là, le papier aurait formé un rouleau de 73 pouces de large d’une longueur de 13 millions de milles. Les quotidiens ont une circulation journalière de 28 millions de numéros et de l’Atlantique au Pacifique, il y a plus de 100 quotidiens tirant à plus de 100,000.

Il faut signaler les méfaits de l’industrie du papier au point de vue de la déforestation. Ce sont de véritables forêts qu’il faut, en effet, pour assurer le tirage quotidien de 30,000 journaux, dont quelques-uns s’impriment à plusieurs millions, et celui des 200 volumes, ce chiffre représentant la moyenne de tous ceux qui se publient chaque jour dans le monde. Ces 30,000 journaux, tirant à dix milliards 800 millions d’exemplaires, consomment journellement mille tonnes environ de pâte de bois ; exactement 350,000 chaque année. C’est, avec les livres et les revues, la charge de 37,500 wagons de dix tonnes, traînés par 1,800 locomotives, c’est-à-dire à peu de chose près, l’effectif du matériel d’une grande compagnie, ou encore le plein de 180 paquebots. Et encore, il n’est pas tenu compte des papiers d’emballage, cartons, prospectus, papiers à écrire, etc. Aussi bien, c’est 350 millions de m3 que doit fournir chaque année en Europe la coupe de bois. La France en donne 6.5 millions, l’Angleterre neuf millions, et la Russie, la Norvège, le Canada, les États-Unis fournissent le reste. Mais les États-Unis consomment à eux seuls 900 millions de m3. On coupe donc les arbres, on détruit les forêts pour alimenter tous les jours cette fabrication fantastique. Mais un arbre ne repousse ni en un an ni en dix.

Une semaine de publication d’un des journaux actuels à fort tirage, c’est une forêt qui sombre quelque part.

221.162 PRIX.

L’immense consommation de papier de notre temps en a fait une matière à spéculation économique considérable. Pendant la guerre mondiale, après la guerre, le papier a subi des hausses vertigineuses sans rapport avec les conditions normales du marché. La spéculation et l’âpreté au gain ont été remarquables. La tendance générale aux trusts a trouvé ici des réalisations.

Le papier est tombé de 24 centimes en 1862 à 2 centimes en 1900.

Le papier journal qui avant la guerre se vendait 28 fr. les 100 kg., était en février 1918 à 180 fr.

Le prix du papier est devenu excessif dans les pays où la monnaie a été dépréciée au cours de la guerre. On peut dire, par exemple, qu’en Belgique, alors que le coefficient de dépréciation de la monnaie est de 7, on paie jusqu’à 12, 14 et 15 le papier. C’est immédiatement une entrave à la production.

Le papier qu’on payait en 1914, 30 fr. les 100 kg. en France, y monte jusqu’à 415 fr.

Pendant la guerre, le papier et l’argent manquent.

Quand le papier a manqué en France, en avril 1916, la Presse a sollicité que le Gouvernement obtienne de l’An-

  1. Essais de fournitures de bureau pour l’administration des postes d’Allemagne. (L’Union Postale. Berne novembre 1927, p. 336.)
  2. PAQUET T. Le Papier et sa Conservation. Bulletin Le Musée du Livre. 1925. 61.