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BIBLIOLOGIE

Les méthodes pour apprendre à écrire. L’art de l’écriture ou calligraphie.

222.11 Notion.

1. L’écriture est l’art de fixer la parole par des signes conventionnels, tracés à la main, qu’on appelle caractères.

L’écriture est la plus merveilleuse des notations : avec 26 signes de l’alphabet latin, ou peut reproduire l’infini des idées, comme avec les 7 notes de la musique, on peut noter la variété illimitée de la musique universelle.

2. Toute écriture s’appliquant sur un support consiste en réalité à y déterminer une coloration. Il s’agit de différencier selon la forme de certains caractères ou dessins, la couleur de l’écriture de celle du support physique qui sert aussi de fond. Cette différence s’opère, soit par incision mettant en jeu l’ombre et la lumière, soit par apposition d’une substance sur une substance (encre, couleur).

Quant à l’impression, tous les procédés eux-mêmes (typographique ou lithographique, caractères ou clichés) reviennent à réaliser un ouvrage soit en creux (gravure sur bois, clichés en métal, à la main ou par des acides), soit en relief (les lettres typographiques réalisées en relief).

3. L’écriture est idéographique ou phonétique. Dans le premier cas, elle représente la pensée, dans le second, elle ne représente que le langage.

L’écriture idéographique est la plus ancienne ; elle peint les idées ou plutôt les choses ; c’est comme une peinture abrégée et plus ou moins conventionnelle, car elle tend à se simplifier avec l’usage. Ainsi l’écriture des Chinois ; nos rebus ; certains caractères hiéroglyphiques. L’écriture phonétique exprime la parole par les syllabes (écriture japonaise) ou par les articulations et autres sons élémentaires qui la composent (écriture alphabétique) ; celle-ci par l’analyse des sons arrive à les exprimer tous et avec un petit nombre de lettres.

4. La disposition donnée à l’écriture sur le papier a quelque chose de fondamental. En principe on peut écrire normalement de gauche à droite et d’en dessus en dessous, mais l’inverse est possible. De droite à gauche, de bas en haut, on peut écrire et commencer par la première page à partir de l’extérieur ou par la page du milieu.

L’écriture de gauche à droite a pour raison d’être l’usage de la main droite. On a observé que le soleil aussi décrit sa courbe apparente de gauche à droite, dans le sens opposé à la rotation de la terre.

En principe, l’écriture est linéaire, car elle suit l’énonciation des sons qui se succèdent dans le temps. La ligne a donc pris trois directions fondamentales : horizontale, verticale et retour. (Boustropheron).

L’écriture pourrait-elle être transformée de simplement linéaire en surface et y aurait-il quelque parti à tirer d’une écriture plurilinéaire à la manière des partitions musicales ou des notations chimiques ? Sur des lignes superposées, ayant même direction, ou sur des lignes prenant d’un point central des directions diverses seraient écrits les développements d’un exposé qui se succèdent aujourd’hui linéairement. La musique est passée de l’homophonie (ainsi le plain-chant, la mélodie) à la polyphonie (plusieurs voix) enrichissant extraordinairement l’unité musicale de temps. Il n’est pas interdit de rechercher un enrichissement analogue de la forme écrite en laquelle s’exprimerait une pensée complexe, de complexité simultanée. Le tableau synoptique, le schéma, la notation moderne de la chimie se rattachent à une telle recherche.

5. L’art de l’écriture et celui du dessin ont des rapports étroits. Par exemple : la miniature et l’ornementation médiévale.

222.12 Histoire.

1. Les rudiments primitifs et anciens du dessin, de la sculpture, de la gravure et même de la peinture, que l’on trouve chez les hommes des cavernes, ont été le premier jalon vers l’écriture, vers le langage peut être, en tous cas vers la civilisation.

L’écriture est passée par trois stades :

a) Représentation figurée des objets et des idées.

b) Représentation altérée et conventionnelle des objets.

c) Représentation phonétique pure des articulations de la voix humaine (écriture alphabétique).

La plupart des peuples se sont attribués l’invention de l’écriture. Les Chinois la rapportaient à leur empereur Fou-Hi. Les Hébreux à Enoch, à Abraham ou à Moïse. Les Grecs tantôt à Mercure, tantôt au Phénicien Cadum. Les Scandinaves à Odin. Les Égyptiens à Thot, leur Hermès.

On a vu successivement : les inscriptions sur pierre égyptiennes, grecques et romaines ; les tablettes sur cire et plomb des Romains (plume et stylet) ; les parchemins persans et turcs ; l’écriture sur feuille de palmier de Ceylan et du Siam ; l’écriture des Japonais et des Chinois (pinceaux) ; les manuscrits sur parchemin du moyen âge avec plume d’oie ; l’écriture avec la plume d’acier (Senefelder).

Il en est pour l’écriture comme pour le langage. Au début, un signe signifie une phrase ou, plus encore, l’image d’une situation ou d’un incident pris dans sa totalité. Puis elle se développe en expression idéographique de chaque signe pris isolément ; vient ensuite l’écriture alphabétique. Des unités de plus en plus nombreuses sont représentées par des signes. (Jespersen.)

2. Hiéroglyphes. — Les anciens Égyptiens employaient pour écrire leur langue des hiéroglyphes. Ce système si caractéristique met en œuvre, pêle-mêle, des figures d’hommes, d’animaux, de plantes, d’astres, en un mot de tout ce qui peut être reproduit. Son nom de « hiéroglyphe » signifie « sculptures sacrées », car de fait à l’époque tardive où les voyageurs qui nommèrent ainsi cette écriture, visitèrent l’Égypte, elle était réservée aux