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ÉLÉMENTS GRAPHIQUES

inscriptions des temples. Elle était si intimement liée au paganisme dans la vallée du Nil qu’elle disparut avec lui et que l’on put croire que le secret était à jamais perdu, Champollion, en 1822, en découvrit la clef.

L’écriture hiéroglyphe était proprement monumentale, tant dans l’usage public que dans l’usage privé. Sa cursive, employée dès les temps les plus anciens pour les besoins courants de la vie, reçut le nom d’écriture hiératique ou sacerdotale, à une époque tardive où elle était réservée aux livres saints des temples. Une simplification de l’écriture hiératique elle-même, adoptée à partir du VIIe siècle avant notre ère et devenue l’écriture normale au temps des voyageurs grecs, reçut d’eux l’appellation de démotique ou populaire.

Écriture cunéiforme. — Les Sumériens inventèrent un système d’écriture au début de l’âge du cuivre. Les premiers éléments de cette écriture, purement pictographique, représentaient des objets matériels, schématisés, de face ou de profil. Bientôt, on constate l’insuffisance de ces signes et on invente l’idéographisme ou peinture des idées : l’objet figuré sert de symbole, soit pour d’autres objets matériels, soit pour des idées abstraites, la partie est utilisée pour le tout, la cause pour l’effet et du groupement de plusieurs idées sortent des idéogrammes composés : le signe de l’eau placé dans le signe de la bouche, par exemple, donne l’idée de boire. Ceci est encore insuffisant pour exprimer complètement la pensée ; il faut, en outre, marquer les rapports grammaticaux qui unissent les diverses parties du discours, c’est-à-dire les sons. Les idéogrammes éveillent dans l’esprit du lecteur les noms mêmes des objets représentés : pour plusieurs d’entr’eux on retient seulement la syllabe initiale et on s’habitue à lire indépendamment de la valeur idéographique. Un même signe d’écriture sumérien peut donc avoir plusieurs valeurs distinctes, les unes idéographiques, les autres purement syllabiques ou phonétiques.

Pour faciliter la lecture, on prend l’habitude de placer comme déterminatifs certains idéogrammes devant ou derrière les noms appartenant à certaines classes d’objets, par exemple, l’usage du poisson avant le nom des poissons et parfois on ajoute à un idéogramme son complément phonétique, c’est-à-dire la dernière de ses syllabes. Les Sumériens ont employé plus de 800 signes. Il est parfois tout à fait impossible de reconnaître l’objet primitivement représenté parce que les textes découverts sont pour la plupart écrits sur l’argile et il en est résulté une déformation complète des images. Le roseau dont on se servait pour tracer les signes les décomposait en éléments qui ressemblaient à des coins ou à des clous, d’où le nom d’écriture cunéiforme par lequel nous désignons l’écriture sumérienne, nom d’autant mieux justifié que sur la pierre et les autres matières dures, on prit de bonne heure l’habitude de copier naturellement les signes tels qu’ils étaient formés sur l’argile et l’on finit par abandonner complètement le tracé primitif, d’épaisseur égale, rectilinéaire ou curviligne. L’écriture cunéiforme est formée d’éléments disposés de 7 façons différentes. Les plus usités sont le clou horizontal, le clou oblique de gauche à droite ou coin, et le clou vertical de haut en bas. Elle a été adoptée par les Élamites, habitants du plateau iranien, par les peuples akkadiens, par les Assyriens.

Au début du 3e millénaire, elle est connue en Caucase et sur le plateau d’Anatolie ; plus tard, elle se répand dans les montagnes d’Arménie ; les Perses Acheménides enfin la simplifient et inventent un syllabilaire qui comporte seulement 41 signes. C’est grâce aux textes des Perses que le déchiffrement des cunéiformes a pu être effectué.[1]

Le développement de l’écriture hiéroglyphique, résumée brièvement est : images, mots, utilisation de ces mots pour la constitution de rébus, en transformant les signes ou mots en signes phonétiques à trois articulations ou à deux articulations, dont un petit nombre ont une tendance à s’atrophier, pour donner naissance à des syllabiques proprement dits, ayant une seule articulation consonantique, mais toujours avec l’impossibilité de noter les voyelles qui sont là, cependant, à l’état latent.

Il n’est pas invraisemblable que l’on constatera un jour que la découverte de l’alphabet n’a pas été le résultat d’un développement lent et continu, d’une évolution, mais au contraire le fait d’une indication qui provoqua la brusque « mutation ».[2]

3. L’emploi de l’alphabet a donné à la pensée humaine un essor illimité. Les Phéniciens (autochtones, non sémites et égéens) agglomérés sous le nom de Phéniciens, ont transformé l’écriture cunéiforme syllabique en une écriture alphabétique de 28 signes. (XIIIe siècle avant J. C.)

L’alphabet qui est devenu commun à tous les peuples indo-européens, est d’origine sémitique et dérive de l’écriture égyptienne par l’intermédiaire de l’alphabet phénicien. Il a subi des modifications nombreuses.

Bien qu’on attribue aux Phéniciens l’invention de l’alphabet, il est établi que les premiers signes devenus ensuite des caractères, remontent à la préhistoire. Cadmus aurait importé l’alphabet phénicien chez les Grecs qui le transmirent aux Étrusques et par eux aux Romains. L’alphabet romain est devenu le nôtre, l’alphabet latin. Comme le phénicien, l’alphabet grec n’eut d’abord que 16 lettres. 7 y furent ajoutées ensuite : g, h, k, q, x, y, z. L’alphabet français n’est que de 23 lettres, jusqu’à ce que la distinction de l’i et du j, de l’u et du v fut bien établie (XVIIIe siècle). L’alphabet de l’Inde, le plus

  1. M. Petit. — Histoire générale des peuples. La Mésopotamie, p. 22.
  2. Jean Capart : Quelques découvertes récentes relatives à l’histoire de l’alphabet. Bull. Classe des lettres de l’Académie de Belgique. 1920, n° 7-8, p. 408.