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ÉLÉMENTS GRAPHIQUES

lement le besoin d’écriture s’est étendu. Il se confond avec le besoin de document et se mesure comme lui.

222.174 UNIFICATION DES ÉCRITURES : SYSTÈME UNIVERSEL D’ÉCRITURE.

L’outil élémentaire de notre travail écrit, l’alphabet, n’a pas été immuable dans le passé. Il est le produit d’une longue évolution procédant par simplification successive pour arriver à une plus grande généralisation d’expressions. Pourquoi ne pourrait-il encore évoluer ?

Cinq moyens ont été ou sont à envisager :

1o Un instrument de comparaison et de transformation des écritures ;

2o Le remplacement de petits systèmes alphabétiques par de plus grands ;

3o Une unification des alphabets sur la base de l’un d’eux, l’alphabet latin ;

4o Un alphabet nouveau à la forme rationalisée et standardisée ;

5o Un système général d’expressions unifié et standardisé dont l’écriture elle-même fasse partie.

1o) Alphabet international. — On a travaillé à l’établissement d’un alphabet international pour la transcription a) de tous les autres alphabets, b) de tous les sons parlés quelconques.

a) Les orientalistes ont arrêté en 1894 un alphabet correspondant à leurs besoins.

b) Les Américains ont créé un système de notation phonétique spécial pour l’étude des langues indiennes.

c) La transcription de l’arabe a été établie par la Société asiatique.

d) Parmi les nombreuses méthodes de transcription des langues non écrites, celle de l’abbé Rouseliot, directeur du Laboratoire de Phonétique expérimentale au Collège de France et professeur à l’Institut catholique de Paris, paraît remplir les meilleures conditions de précision scientifique et de simplicité. L’ « Essai de Phonétique » avec son application à l’étude des idiomes africains, par le P. Sacleux, en fait application.

e) L’Association phonétique internationale a créé un alphabet international comprenant tous les sons et destiné à la transcription de toutes les langues telles qu’elles sont parlées.

Il permettrait de transcrire toutes les langues en symboles phonétiques, abstraction faite des orthographes et des alphabets employés.

f) L’Institut national chinois d’Histoire et de Philologie s’occupe d’une extension de l’alphabet phonétique international, en liaison avec l’enregistrement des dialectes chinois, spécialement un système de quasi-graphe « lettres accentuées » (tone-letters). Les systèmes de romanisation de Matteo Ricci et de Nicolas Trigault ont trouvé une place dans la phonologie chinoise à la manière de 36 initiales adoptées du Sanskritt.

2o) Renforcement des petits systèmes alphabétiques. — On a assisté à l’extension même d’alphabets différents sous la forme de quelques grands alphabets et cela parallèlement au mouvement qui a conduit à l’établissement de quelques grandes langues nationales, après le refoulement des patois.

3o) Unification à base d’alphabet latin. — Un grand mouvement s’est manifesté vers l’unification des alphabets sur la base de l’alphabet latin. En effet, on constate que le retour au gothique n’a guère fait de progrès en Allemagne dans ces dernières années.

Les peuples Turco-Tartares de l’U. R. S. S. ont consacré et adopté l’alphabet latin de 1922 qui, a dit Lénine, constitue une révolution pour l’Orient. Et en effet, les peuples du Nord du Caucase et de l’Asie centrale n’avaient pas de langage écrit avant la révolution d’octobre. Dans l’Azerbajoor, on a constaté que la facilité d’assimilation de l’alphabet latin sur l’alphabet arabe était de 7 à 80 % plus grande.

a) C’est l’Association des Orientalistes de Moscou qui s’est occupé du nouvel alphabet turcoman (MM. Barthold, Pavlovich, Menued Zadé). On a analysé l’ancien alphabet arabe et l’alphabet latin et l’on a démontré qu’on ne pouvait remédier à leurs défectuosités qu’en introduisant un nouvel alphabet turcoman, basé sur les caractères latins. Toutes les allusions au fanatisme religieux des masses, et les divers motifs invoqués par les adversaires de la latinisation ne supportent pas la critique ; il faut renoncer à l’alphabet lié avec tout le passé religieux musulman de l’Orient. Les adversaires de l’alphabet latin ont répliqué qu’il fallait aborder cette question avec la plus grande circonspection et prendre en considération les divers degrés de développement culturel et la différentiation des classes parmi les populations turco-tartares. Il a été formellement décidé de créer, près l’Association des Orientalistes, un comité pour l’introduction d’un nouvel alphabet turcoman.[1]

b) Les Slaves employent les uns l’alphabet Cyrillique (Grands Russes, Russes blancs. Ukraniens, Serbes et Bulgares), les autres l’alphabet latin (Tchécoslovaques, Polonais, Croates, Slovènes et Serbes de la Lusace). Les Russes ont agité la question de l’adoption de l’alphabet latin. Les autres nations intéressées ont pris ensuite intérêt à cette question, qui a fait l’objet d’une enquête du périodique bulgare « Blgarska Kniga » (Sofia no 2, 1930).

En faveur de la réforme, on a fait valoir qu’elle mettrait en contact plus intime les nations slaves entre elles ; qu’elle les rapprocherait des civilisations occidentales, que l’alphabet latin était plus simple ; il en résulterait des économies dans la composition typographique et l’impression en général. La majorité cependant, en Bulgarie, s’est prononcée pour le maintien de l’alphabet cyrillique.

  1. Bulletin d’information no 27 de la Société pour les relations intellectuelles.