Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/120

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des clameurs perçantes, des désolations ; on venait de retrouver le cadavre, qu’on portait dans la maison. Bientôt on revint vers moi, et sans doute la stupeur n’avait fait que croître à mon sujet ; on disait de loin : — Il est fou ! la peur, le saisissement, le désespoir lui ont troublé l’esprit ; une telle secousse si subite… on m’entoura en silence, on me regarda ; puis tout à coup, après quelques signes, on me prit par les bras et l’on m’emmena dans une chambre où l’on me mit au lit. J’entendis donner l’ordre d’aller chercher un médecin. Je demeurai dans mon lit les yeux fixes, tous ceux qui m’approchaient ; soit inquiétude sur mon état de prétendue maladie, soit embarras ou incertitude sur ce qui s’était passé, ne m’adressaient aucune question. Cependant on voyait bien que mon état n’empirait pas, et que je ne donnais point d’autres signes d’un cerveau troublé. Mon ami Marcellin m’adressa deux ou trois fois la parole tout bas et je lui répondis exactement. Il se fit un grand bruit dans la maison jusque vers le milieu de la nuit ; ce qui occupait le plus tout le monde dans cet événement, c’était l’étrange rôle que j’y avais joué. On hésitait, sans doute, on ne trouvait rien d’explicable et d’ordinaire en tout ceci ; mais comment imaginer qu’un homme comme moi eût assassiné sa femme, et dans un pareil moment ? ce n’étaient de toutes parts que suppositions bizarres et confuses. Je jugeai bien à peu près tout cela, mais je commençais à frémir en moi-même de l’énormité de mon crime ; les remords venaient de naître. Nous étions, je vous l’ai dit, dans la belle saison. Comme l’aube pointait, Marcellin entra dans ma chambre d’un air agité. Il vit que je ne