— Oui, oui, dit Thibault d’un accent profondément réfléchi, la guerre civile, j’en sais plus long que toi là-dessus. Écoute la fin. Ne t’ayant point rencontré hier, je voulais du moins mettre ton conseil à profit, et tenter une diversion dans l’attaque persévérante que je livre à l’ignorance établie. Où trouver l’impartialité, la bonne foi, l’amour sincère de la vérité, sinon dans le sanctuaire de la science ? Je cours ce matin à la Faculté de médecine…
— À l’École de médecine ! tu pouvais t’y faire tuer aujourd’hui…
— Je ne connais que trop le danger que j’ai connu, et tu vas en juger : cette École de médecine est sur une place où j’entends en approchant des cris terribles, et que je vois bientôt couverte d’une foule de jeunes gens armés, furieux et se préparant à la défense. Halte-là, me crie-t-on de loin ; qui vive ? qui êtes-vous ? — Un Français, ami de la paix et du roi. — N’approchez pas ! hors de là ! à bas ! Les insultes, les vociférations s’accumulent ; je reconnais bien aisément la malveillance, le complot, le parti pris, à cette manière d’accueillir une déclaration si loyale et si pacifique. Tu en juges de même ; mais croirais-tu que quelques-uns de ces malheureux m’ont couché en joue ? Cependant j’aperçois un drapeau qui porte en grosses lettres : Étudiants ; j’étais résolu à sacrifier ma vie, je m’avance : — Vous êtes médecins ? dis-je au plus marquant de la troupe. — Oui, monsieur, nous sommes tous ici des élèves de la Faculté. — Eh bien, monsieur, au nom de notre bel art, nous sommes faits pour nous entendre ; au nom de l’humanité, laissez-moi du moins vous faire connaître mes intentions et combien l’on vous égare sur