Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/199

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pensa à Clémence, et le cœur lui battit ; mais cela était si extravagant qu’il ne s’y arrêta point. Il s’apprêtait à sortir, quand il fut averti qu’on le demandait de nouveau. Il descend, et trouve dans le corridor une servante qui lui tend une lettre. Il l’ouvre en tremblant ; elle contenait ces deux lignes d’une écriture de femme : « Croyez, Monsieur, qu’il y a quelqu’un bien désolé de ce qui s’est passé l’autre jour. » Le papier était signé tout au bas de deux initiales, C. S. — Collinet demeurait interdit, palpitant. Il regarda la vieille, et crut se souvenir qu’elle lui avait ouvert la porte chez M. Sorel. Elle demanda s’il y avait une réponse ; Collinet porta vivement la main à sa poitrine, en tira un papier, et le lui donna, sans un doute, sans une parole. Il remonta précipitamment dans sa chambre, et se roula sur une chaise, froissant le billet contre son cœur, et le relisant sans cesse jusqu’à suivre de l’œil le moindre trait d’écriture.

Cette nuit fut bien différente de l’autre. Il se levait, se regardait dans une petite glace qu’il avait sur sa cheminée, faisait cent grimaces, éclatait de rire, dansait par la chambre, et interrompait ses gambades par un flot de paroles passionnées ; puis il se recouchait, le billet sur son cœur.

Le lendemain il se leva de bonne heure, s’habilla en chantant, et se rendit au théâtre deux heures trop tôt. On répétait une parade nouvelle qui s’appelait la Résurrection de Jocrisse. Il jouait le principal rôle, et l’on comptait sur lui pour les grandes pasquinades qu’il y devait faire. Il n’était bruit dans la ville que de cette merveilleuse farce : le héros y roulait d’un bout à l’autre dans une suite d’em-