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Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/20

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— Monsieur, c’est un mariage.

Le commis leva la tête et vit un invalide proprement serré dans sa capote neuve, planté tout raide sur sa jambe de bois, la canne au repos et la face enflammée comme s’il eût avalé d’avance, à lui seul, tout le vin du repas de noces.

— Où est le futur ?

— Présent.

— Et la future ?

— Ça ne peut pas tarder. On m’a commandé pour une heure, me voilà ; je ne connais que ça.

Ces commis de l’état-civil voient tant de choses extraordinaires qu’ils ne s’étonnent de rien. D’ailleurs, Schérer achevait à peine ces mots quand la porte se souleva livrant passage à quatre hommes de figure insignifiante, vêtus avec apprêt comme les comparses d’une noce de théâtre. Schérer les considéra en grommelant : — Ça ne peut pas être ça. — Mais il se trompait. À la suite de ces hommes entrèrent deux femmes d’un âge mûr qui en assistaient et soutenaient une troisième ; celle-ci, qui semblait plus jeune, la tête baissée sous un voile noir, marchait d’un air tragique et défaillant, enveloppée d’un grand châle.


Le garçon de bureau, bien instruit, se mit en tête du cortège, et fraya vite un passage jusqu’à la salle où siégeait l’officier municipal. Schérer, averti, marchait en queue, battant la marche sur les planches avec sa jambe de bois ; mais l’une des femmes âgées, qui n’avait pas manqué de l’examiner, dit tout à coup à l’autre avec grande alarme :