Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/293

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village. Je ne sais pas ce qui se passe dans le monde du bel esprit ; je ne connais qu’un de vos poètes, le plus obscur, peut-être, le plus ignoré. — Peut-être n’y a-t-il plus au monde que moi qui le connaisse à présent ; car je ne sais pas s’il est jamais arrivé à cette gloire qu’il a tant aimée.

Et le brave homme, sans y prendre garde, s’engagea dans un récit que nous écoutâmes le coude sur la table, le menton dans la main.


J’étais alors, comme aujourd’hui, le maître d’école de ce village, et j’en étais aussi le médecin ; car il y a mille façons de faire le bien en ces pauvres pays ; seulement, j’étais plus ingambe et j’avais plus d’élèves. Je leur montrais le peu que je sais, quelque latin, le plain-chant, mais surtout leurs devoirs de bons chrétiens et de braves paysans. Vous ne sauriez croire comme il m’est doux, depuis quarante ans, de suivre, dans leurs états divers, ces jolis enfants que je voyais accourir le matin en mordant leur pain bis, et qui ont tant joué dans ce verger que voilà devant la fenêtre. J’en ai fait, je puis le dire, d’honnêtes gens que vous pourrez voir dans les environs : l’un est à cette heure clerc du tabellion, l’autre a doublé les fermages de son père, qui se repose, Marcel, à force de bons services et de probité, est devenu l’intendant de Monseigneur ; le meunier, là-haut sur la butte, et Pierre le maréchal, le plus savant dans son état à dix lieues à la ronde, sont encore de mes enfants ; mais le plus instruit de tous, le plus vif, le plus glorieux, — mon Dieu, que votre volonté soit faite ! — Tenez, c’est celui-là, je