Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/314

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hommes, à cette figure chétive qui n’était que disgraciée ; je songeais à tout ce qu’on lui faisait dire ou faire, aux noires intrigues, aux rôles innombrables, aux méchancetés laborieuses dont il était accusé, à l’exécration générale et traditionnelle dont il était l’objet, aux malédictions dont on l’outrageait chaque jour ; et tout à coup, ramené à la physionomie débonnaire, à cette triste grimace, à cette pose contrainte que j’avais sous les yeux, je m’écriai :

— Ils en ont menti ! pure calomnie ! l’honnête homme de diable ! malheureuse créature ! honni soit le premier butor qui t’a posté dans cette attitude de rôtisseur d’hommes.

J’éprouvais dans toute leur force ces sentiments de retour et de tendresse qu’inspire un innocent longtemps accusé et qui sont, comme on sait, d’autant plus vifs et plus emportés, qu’on en avait de plus opposés.

Je m’en allai en rêvant à ce bon diable et je n’y rêvai pas longtemps. Le déjeuner suivit, et puis la lecture des journaux qui détournèrent ma commisération sur sept à huit assassinats et sur les écrivains qui les racontaient ; et puis enfin les occupations de la journée.

Il m’arriva même, ce jour-là, de faire une rencontre assez singulière, digne de toutes mes réflexions, et que je m’étais bien promis de noter ici.

Que dis-je ? je la trouve là tout au long décrite sur mon brouillon ; mais décidément je la passe par un reste de respect pour cette règle de l’unité que je vois partout méprisée à présent, et qui n’en est pas moins inséparable de toute composition passable. Réfléchissez-y comme moi, et vous finirez par découvrir qu’elle est pleine de sens, comme toutes les règles du monde.