Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/322

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tout. Après quoi l’on a dit en plusieurs pays que j’avais des pieds de bouc.

On tient absolument à ce que je ne puisse pas mettre d’escarpins ; en voici une paire, monsieur, que je porte depuis trois ans, je ne puis les user. Je vous recommande l’honnête homme qui me les fait. En d’autres lieux, on m’a dépeint sous je ne sais quelle forme de satyre. Il n’est pas un être bizarre ou malfaisant, un monstre réel ou imaginaire auquel on n’ait prêté mon nom. Il est vrai qu’en beaucoup de contrées on m’a fait l’honneur de m’adorer, mais sous des formes si burlesques et si disgracieuses, qu’en vérité l’on ne saurait en être flatté. Et pour qui veut-on me faire passer, s’il vous plaît ? Ne voilà-t-il pas de jolis magots que ces idoles de la soi-disant héroïque et raisonnable antiquité ! On vous a rebattu les oreilles de cette troupe de garnements : je m’abstiendrai de les qualifier. N’est-ce pas aussi quelque chose de rare que les têtes de chiens de l’Égypte, les mannequins millipèdes de l’Inde, les soliveaux mal taillés de l’Océan Pacifique et la ménagerie Scandinave ?

J’ai été plus touché du culte de Mahomet, en ce qu’il était plus spirituel. Luther et Calvin ont encore mieux déguisé l’hommage délicat qu’ils m’adressaient. J’aurais été surtout chatouillé des honneurs pompeux que le peuple français entreprit de me rendre, sous les beaux noms de Liberté et de déesse Raison, au moment qu’il se croyait le plus éclairé sur la politique et sur toutes choses ; mais, au fond, cela était-il encore si consolant, et n’avais-je pas tout lieu d’en être profondément dégoûté ? Et je ne vous montre là que le bon côté de ma malheureuse condition.