Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/324

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ment vingt fois à la bouche, et qui m’échappa de la meilleure foi du monde.

— Pauvre diable ! soupirai-je. Je fus tenté de lui en demander pardon, mais il était trop animé pour y prendre garde.

— Et puis, monsieur, est venue, brochant sur le tout, la bruyante cohue des écrivassiers qui a étendu le scandale. Tout récemment encore, un homme de réputation a voulu me parodier après tant d’autres sous le nom de Méphistophélès ; mais ce Méphistophélès n’est qu’un pédant et qu’un sot, un diable littérateur, imaginé par un homme de lettres endiablé. Nous n’avons pas, nous autres, tant d’esprit que cela, Dieu merci ; on nous en prête prodigieusement pour perdre les hommes, cela est bien inutile, les hommes se perdent bien tout seuls, ils ne demandent pas mieux. Rassemblez donc tous vos souvenirs sur mon compte, et rabattez-en. Eh quoi ! monsieur, est-ce que le cœur ne vous le dit pas, que l’idée qu’on a de moi dans le monde est trop vieille pour ne point avoir subi quelques changements ? Les hommes de bon sens ne sont-ils pas las de cette figure qu’on me fait faire depuis tant de siècles ? Est-ce que mon empire n’a pas dû passer comme les autres ? Est-ce que vous ne sentez pas que mon influence a dû nécessairement s’affaiblir avec le progrès de toutes choses ? Et d’abord, rappelez dans votre esprit les hideuses images qu’on fait de moi ; remettez-vous devant les yeux ces cornes, ces griffes, ces caricatures monstrueuses, et dites-moi si je ressemble le moins du monde à ce portrait ?

En disant ces mots, mon visiteur se leva et tourna deux fois sur lui-même, d’un air piteux, pour me faire voir