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Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/327

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mes sous lesquelles il plut au moyen-âge de me représenter dans ses peintures et ses légendes. C’était encore le temps des saint Bernard, des saint Dominique, je n’avais point à perdre une minute non plus qu’à choisir mes moyens. Des hommes comme Charlemagne et saint Louis ne me laissaient point amuser.

Les croisades surtout m’épouvantèrent et je crus un moment qu’on allait m’ôter le croissant qui était mon seul os à ronger. C’est à peine dans ce travail si j’attrapais par-ci, par-là l’âme de quelque moine hypocrite, de quelque prince libertin et imbécile qui entendait la religion à sa manière et croyait tout arranger par de vaines pratiques. C’est à peine si je suscitais quelques petites hérésies dans de pauvres têtes et si je détournais çà et là dans l’erreur quelque cervelle enthousiaste et orgueilleuse. Encore, Dieu le sait, cela me coûtait-il assez ; car le fond du peuple était bon, nous nous tenions alors dans les bibliothèques. Il est incroyable combien nous avons soufflé d’âmes sur les marges des in-folios ; j’atteignis ainsi, vivant au jour le jour malgré mes efforts, la fin du quinzième siècle.

Mais dès que j’eus glissé par bonheur dans le cœur de Luther le goût du vin et de la débauche, dès qu’il eut impunément exprimé sa doctrine, dès qu’il eut des sectaires et des imitateurs, tout changea de face, je commençai à respirer, je vis mes affaires se rétablir à vue d’œil, sans que j’eusse à l’avenir le soin de m’en mêler. L’imprimerie me servit pour le moment. Le relâchement se glissa de lui-même dans les États, les conséquences d’une première révolte se développèrent admirablement dans tous les esprits. Les rois s’accoutumèrent à ne plus dépendre que