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Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/349

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point paru, le capitaine resserrait doucement ces petits objets, rangeant, l’un après, l’autre, les moutons d’une bergerie dans une boîte, ramassant les pièces d’une batterie de cuisine, avec plus de soin qu’il n’eût fait pour ses livres et ses cahiers. Or rien n’était plus bizarre et plus attendrissant que de voir cet homme à grosses moustaches, avec son front sévère et sillonné de rides précoces, s’occuper tristement à ses jeux d’enfants. Quand par bonheur on annonçait Séraphine, c’étaient des parties sans fin ; le capitaine se roulait à terre comme s’il eût été du même âge, et l’on entendait les éclats de rire jusqu’aux derniers étages de la maison. Cette vie, encore supportable pour Ronquerolles, dura dix huit mois ; il avait repris ses travaux, qui lui donnaient quelques distractions. Mais il disait souvent que sa fille le faisait vivre. — Sans quoi, ajoutait-il, à quoi suis-je bon, et qu’aurais-je à faire ici-bas.

Mais, hélas ! un dimanche l’enfant ne vint point ; cela n’était pas rare, et l’on n’y fit pas attention. On attendit le jeudi, personne ; le vendredi, un crocheteur sans lettre, sans un mot d’écrit, vint dire confusément que l’enfant était gravement malade d’une chute qu’elle avait faite. Heureusement madame Lescot arrêta cet homme et transmit elle-même, en l’adoucissant, cette nouvelle au capitaine, quoiqu’elle pensât bien, d’après les éclaircissements du messager, que l’enfant était en péril. Le soir même la petite Séraphine mourut.

Vous croirez certainement, comme moi, qu’une malédiction terrible poursuit les enfants des mères qui manquent à leurs devoirs. C’est une loi du monde moral que je n’ai jamais trouvée en défaut. Il suffit d’un peu d’attention pour