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Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/350

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la voir éclater dans toute sa sévérité. Madame Ronquerolles, volontairement séparée de son mari, après l’avoir indignement trompé, vivant depuis dans les derniers désordres, devait être frappée dans sa fille. Sa négligence pour cette enfant amena tout naturellement ce malheur : toute à ses plaisirs et courant le monde sans cesse, elle l’abandonna aux soins d’une bonne qui la laissa périr.

Madame Lescot, après m’avoir raconté cette histoire, qui me serra le cœur, ajouta :

— Et voilà dans quel état est le capitaine depuis que sa fille est morte. Il reste chez moi sans grande surveillance, parce que le cher homme est bien inoffensif. On l’a mis seulement dans une chambre vitrée au fond, afin qu’on puisse voir à toute heure ce qu’il fait. Si vous voulez, nous l’irons voir ensemble : il ne s’en choquera pas, et même il ne fait point d’attention à ces visites.

Je ne refusai point cette proposition. Le lendemain, vers deux heures, madame Lescot entra dans ma chambre et me demanda si je voulais la suivre. Nous montâmes par un escalier séparé dans les appartements qui donnaient sur le jardin.

On entrait librement dans une espèce d’antichambre contiguë à la chambre du capitaine, et l’on pouvait voir de là, par une porte vitrée, tout ce qui se passait chez lui.

— N’ayez pas peur, me dit madame Lescot ; placez-vous là tranquillement, il ne prendra point garde à nous.

En effet, le capitaine ne leva pas les yeux, paraissant profondément absorbé. Il était vêtu d’une robe de chambre qui allait bien à sa grande taille et mettait en relief le caractère grave de sa physionomie ; sa longue figure maigre