— Oui, mais un mari… dit la mère effrayée.
— On s’entend, reprit la Gidoin ; un mari qui signe à la mairie, qui donne son nom à Cécile, qui reconnaît ses enfants, qu’on ne revoit plus, et qui meurt bientôt.
La mère et la fille demeurèrent dans un doute sinistre.
— Qui meurt bientôt, parce qu’il est vieux, reprit madame Gidoin.
— Mais un mari comme ça doit être difficile à trouver.
— Difficile ! je vous en trouverai à revendre. J’ai votre affaire aux Invalides.
— Aux Invalides ! s’écria Cécile.
— C’est ce qui se fait journellement. Vous trouverez là un choix d’hommes qui ne demanderont pas mieux. Ces vieillards, ça n’a pas autre chose à faire. Je vous citerai dix mariages de ma connaissance dans ce genre-là.
— Comment, reprit Cécile, un invalide, un vieux soldat ! Ne sont-ils pas estropiés ?
— Qu’est-ce que cela fait ? Vous ne le verrez pas.
— Laisse donc, Cécile, interrompit la mère, laisse parler madame Gidoin. Il faut voir, ça ne me semble pas si maladroit.
— Rien n’est plus aisé. On s’adresse là en cas de besoin ; mais dame, il en coûte.
— Il en coûte ? dit madame Fressurey.
— Dame ! vous concevez qu’un homme qui a servi et qui vous oblige, ne peut pas non plus faire tous les sacrifices. Il enchaîne sa liberté, cet homme. Quand vous lui donneriez une trentaine de francs par mois pour ses menus plaisirs, ça n’est que justice. Il reconnaît des enfants, cet homme, il ne les connaît pas, ces enfants ; il épouse une femme, il ne sait pas ce que c’est que cette femme ;