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Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/82

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— Faites pas attention, madame, ça me connaît ; j’ai monté des gardes nuit et jour.

— Ah ! c’est juste, un militaire ! C’est égal, si j’étais libre de m’en aller je ne tarderais pas à gagner mon lit.

— Et moi, j’en ai assez passé de ces nuits, dans la neige et partout, et je n’avais pas pour me distraire des jolies femmes qui battaient des entrechats. Quand nous avons été dans la Bavière…

Mais madame Fressurey, repoussée dans sa tentative, jugea inutile de prolonger cette conversation et disparut.

Quelques danses folles, les cotillons, les galops, dont on a coutume d’égayer la fin d’un bal, étourdirent l’assistance sur la présence obstinée de l’invalide ; après quoi le salon demeura presque vide. Schérer ne s’en allait pas. Baffi, furieux, fit mine d’aller l’avertir ; mais madame Fressurey le retint. À peine restait-il quelques retardataires qui voulaient, comme on dit, emporter les clés. C’étaient deux ou trois vieilles qui se flattaient qu’on les inviterait, faute d’autres, pour former un nouveau quadrille ; mais cette perspective faisait fuir les derniers cavaliers. Il ne se trouva plus assez de monde pour former ce quadrille tant désiré : il fallut partir. Ces vieilles, s’affublant piteusement de leurs coiffes et capuchons, embrassèrent tendrement la mère et la fille, avec mille politesses criardes. Aussitôt Baffi, sans contenir davantage ses bouillonnements italiens, se précipita vers Schérer :

— Eh bien ! qu’est-ce que vi faites là ?

— Et vous ? dit Schérer comme un homme qui se réveille d’un somme.