Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/81

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et, la tirant par le bras d’une main en réunissant tous les doigts de l’autre sur sa bouche démantelée, il fit entendre un pâteux clapotement des lèvres :

— Savez-vous qu’elle est fort bien, votre fille ; je vous en fais mon compliment bien sincère, querdi !…

— Voulez-vous vous taire, gentil dragon ? lui dit la mère avec un sourire joyeux. Elle passa vite sans faire attention. Il en résulta que Schérer, encouragé, voyant venir de son côté Cécile qui promenait ses grâces, se pencha vers elle amoureusement, comme on peut imaginer que fit l’âne de la fable levant sa corne usée.

— Ma parole d’honneur !… gentille tout à fait… et c’est sincère… Je suis flatté, quoi !…

Cécile, stupéfaite, blessée au vif, recula et lança sur le téméraire un regard chargé de mépris ; mais Schérer répliqua innocemment par une manœuvre digne d’un vieux tacticien ; il expectora un nouveau baiser sur sa main tremblante et l’envoya à sa femme.

Cécile disparut, percée jusqu’au cœur. On imagine ce qu’elle dut exhaler de plaintes, dès qu’elle put rejoindre sa mère ; mais madame Fressurey la réconforta, lui faisant voir que la chose aurait pu tourner plus mal, et qu’enfin ce bonhomme allait se retirer.

Pourtant bien des invités avaient déjà disparu, bien des danseuses s’étaient lassées, et Schérer n’annonçait pas l’intention de changer de place. Madame Fressurey s’approcha de lui un moment :

— Eh bien, dites donc, mon bon monsieur Schérer, faut pas vous gêner pour nous ; voilà qu’il se fait tard, vous devez vous coucher plus tôt que ça d’ordinaire.