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les métamorphoses


LIVRE TROISIÈME


ARGUMENT. — I. Agénor ordonne à Cadmus de chercher sa fille qu’il a perdue. Des soldats naissent des dents du dragon tué par Cadmus. — II. Actéon métamorphosé en cerf. — III. Naissance de Bacchus. — IV. Tirésias aveugle et devin — V. Écho changée en son ; Narcisse en fleur. — VI. Penthée, après la métamorphose des matelots en dauphins, charge Acétès de chaînes : à cause de ce crime, il est mis en lambeaux par les Bacchantes.


I. Déjà le dieu, dépouillant la forme trompeuse du taureau, s’était fait connaître, en abordant aux rivages de Crète, lorsqu’Agénor, ignorant le destin de la fille qu’il a perdue, ordonna à Cadmus de la chercher ; sa peine, s’il ne la trouve pas, sera l’exil : ainsi le veut ce père à la fois tendre et cruel. Après avoir parcouru le monde, (qui pourrait en effet découvrir les larcins de Jupiter ?) Cadmus fuit sa patrie pour se dérober au courroux de son père, et va, d’une voix suppliante, consulter l’oracle d’Apollon sur l’asile qu’il doit choisir : « Une génisse, répond le dieu, s’offrira à tes regards dans un champ solitaire ; jamais elle n’a porté le joug, ni traîné le soc recourbé de la charrue : prends-la pour guide, et, dans le champ où tu la verras se reposer, entreprends de fonder une ville, et donne à la contrée le nom de Béotie. »

À peine descendu de l’antre de Castalie,(1) Cadmus voit s’avancer à pas lents et sans gardien une génisse dont le cou ne porte aucune marque de servitude ; il la suit, et, marchant sur ses traces, il adore, dans un religieux silence, le dieu qui le conduit. Déjà il avait franchi les eaux du Céphise et les campagnes de Panope(2) : la génisse s’arrête, et, levant vers le ciel son large front orné d’un bois superbe, elle fait retentir les airs de ses mugissements. Puis tournant ses regards vers ceux qui marchent à sa suite, elle se couche et repose ses flancs sur le tendre gazon. Cadmus rend grâce au dieu, baise avec respect cette terre étrangère, et salue ces montagnes et ces plaines inconnues. Il s’apprête à offrir un sacrifice à Jupiter et commande à ses compagnons d’aller puiser une eau vive pour les libations.

Là s’élève une antique forêt que la hache n’a jamais profanée. Au milieu, une caverne entourée d’une épaisse haie d’arbrisseaux et d’osier, présente humblement pour entrée un arc formé par des pierres jointes ensemble : il en sort une source féconde. Cette caverne est le repaire du dragon, fils de Mars :(3) sa crête a