Page:Ovide - Œuvres complètes, Nisard, 1850.djvu/316

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
288
les métamorphoses


VIII. Après avoir ainsi puni d’insolents discours et un cœur profané par la jalousie, le petit-fils d’Atlas abandonne la contrée qui porte le nom de Minerve, et, balancé sur ses ailes, il rentre au céleste séjour. Son père l’appelle en secret, et sans lui faire connaître l’objet de son amour : « Fidèle ministre de mes volontés, lui dit-il, ô mon fils ! que rien ne t’arrête, vole avec ta vitesse accoutumée, et descends vers cette terre(73), qui, en levant les yeux vers le ciel, voit à sa gauche ta mère Maïa, et que ses habitants appellent Sidonie. Sur le gazon de la montagne, tu vois paître un royal troupeau ; emmène-le jusqu’au bord de la mer. » Il dit, et déjà les taureaux, chassés de la montagne, s’avancent, au gré de Jupiter, vers le rivage où la fille du puissant roi de la contrée avait coutume de jouer avec les vierges de Tyr, ses compagnes. Amour et majesté ne peuvent guère s’accorder ni figurer ensemble ; aussi, quittant l’appareil de sa toute-puissance, le maître des dieux, dont la main est armée de flammes au triple dard, et qui, d’un signe, ébranle le monde, revêt la forme d’un taureau, et, confondu parmi ceux d’Agénor, il mugit et promène sur le tendre gazon ses formes gracieuses. Sa blancheur égale celle de la neige qui n’a pas encore été foulée par le pied du voyageur, ni amollie par le souffle humide de l’Auster ; son col est droit et musculeux, son fanon pend à longs plis sur sa poitrine ; ses cornes sont petites, mais on les dirait polies par la main de l’artiste, et leur éclat efface celui du plus pur diamant ; son front n’a rien de menaçant, son œil rien de terrible ; la douceur règne dans tous ses traits. Émerveillée de sa beauté, la fille d’Agénor(74) s’étonne qu’il ne respire pas les combats ; cependant, malgré sa douceur, elle n’ose d’abord le toucher ; bientôt elle s’approche, et présente des fleurs à sa bouche aussi blanche que l’ivoire. Son amant tressaille de joie ; en attendant le bonheur qu’il espère, il baise les mains d’Europe. Ah ! c’est à peine s’il peut maîtriser les transports de son impatience ! Tantôt il joue et bondit sur la verte prairie, tantôt il se couche et fait éclater sur le sable doré la blancheur de ses flancs. Peu à peu rassurée, Europe flatte de sa main virginale la poitrine qu’il présente à ses caresses, et enlace ses cornes de guirlandes de fleurs ; enfin, la fille d’Agénor, ignorant quelle est sa monture, ose se placer sur son dos. Alors le dieu, s’éloignant de la terre et de l’aride rivage, plonge insensiblement un pied trompeur dans les flots qui le baignent ; bientôt il s’avance et emporte sa proie au sein des mers. Europe, tremblante, cède à la violence de son ravisseur, et tourne ses regards vers le rivage qui fuit ; sa main droite tient la corne du taureau, la gauche s’appuie sur son dos, et les plis onduleux de sa robe flottent au gré des vents.

(1) Les auteurs ne s’accordent pas entre eux sur ce qu’il faut entendre par le pyrope. Selon Pline, c’était l’airain coronaire, ou mélangé de trois quarts de cuivre sur un quart d’or (L. XXXIV, c. 8). D’autres ont cru que le pyrope était une pierre rayonnante comme l’escarboucle.

(2) Virgile (Géorg., liv. IV, v. 387-450) et Ovide (liv. VIII, v. 732 et suiv.) énumèrent les principales figures que Protée aimait à prendre.

(3) Égéon, géant ainsi nommé parmi les hommes, était appelé Briarée par les dieux.

(4) Doris, fille de l’Océan et de Téthys, fut mariée à Nérée, son frère, et mère des Néréides.

(5) C’est l’équateur qui coupe le globe en deux hémisphères, l’hémisphère septentrional et l’hémisphère méridional. La division du zodiaque en douze signes est de la plus haute antiquité : Bailly la croit antérieure au déluge. (Astron. anc, p. 489.)

(6) Hésiode fait le Jour frère de la Lumière et fils de l’Erèbe et de la Nuit.

(7) Les anciens avaient divinisé le mois ; les Grecs l’adoraient sous le nom de Μεγ, les Latins sous le nom de Lunus. Suivant Cicéron, le mot mensis vient de mensura, mesure : Qui, quia mensa spatia conficiunt, menses nominantur. (De Nat. Deor., lib. II.)

(8) L’année est le temps que le soleil emploie à parcourir les douze signes du zodiaque. Les Égyptiens représentaient l’année par un palmier qui avait douze branches, et les Grecs par un serpent qui forme un cercle et mord sa queue.

(9) On représente le Siècle, terme de la plus longue durée de la vie humaine, sous les traits d’un vieillard décrépit.

(10) Homère appelle les Heures les ministres du Soleil, les portières du Ciel. Les poëtes ont feint que les Heures prenaient soin des coursiers du Soleil, parce qu’elles naissent du cours de cet astre, ou plutôt qu’il sert a les mesurer et à les distinguer.

(11) Pour bien saisir le sens de ce passage, il est à propos de se rappeler le système de Ptolémée, qui, supposant la terre au centre du monde, faisait tourner le firmament autour d’elle, d’orient en occident, par un mouvement diurne très-rapide ; tandis que le soleil avait un mouvement annuel en sens contraire, c’est-à-dire, d’occident en orient.

(12) Le Taureau est le second signe du zodiaque.

(13) Le Centaure d’Hémonie, c’est-à-dire le Sagittaire, qui avait d’abord été Centaure. Les Centaures étaient originaires de l’Hémonie ou Thessalie.

(14) Le signe du Lion fut ainsi nommé parce qu’il représentait le lion de la forêt de Némée.

(15) Le signe appelé Cancer représentait l’écrevisse que Junon envoya contre Hercule, lorsqu’il combattait l’hydre de Lerne.

(16) Lucifer est l’étoile de Vénus, qui paraît à l’orient. Les anciens poëtes l’appellent Vesper, lorsqu’elle paraît à l’occident, peu après le coucher du soleil.

(17) Le Serpent, constellation de l’hémisphère boréal, est placé sur celle du Scorpion.

(18) L’Autel, constellation méridionale. Suivant les poètes, c’est l’autel sur lequel Chiron immola un loup, ou l’autel sur lequel les dieux jurèrent fidélité à Jupiter avant la guerre contre les Titans.

(19) Les Trions : les Latins ont donné ce nom aux sept étoiles les plus brillantes de la grande Ourse, représentées par sept bœufs. Dans l’ancien langage, triones avait le même sens que boves.

(20) Le Bouvier, Βοοτες. Les Grecs donnèrent ce nom à une constellation placée derrière la grande Ourse. Ils l’appelaient aussi αρχτοφυλαξ, gardien de l’Ourse.

(21) Athos, montagne entre la Thessalie et la Thrace, où Jupiter avait un temple, ce qui l’avait fait surnommer Athoûs.

(22) Taurus ou Tauros est le nom que les Grecs donnaient à tout ce qui était d’une grandeur démesurée, et qui fut celui de la montagne la plus haute qui ait été connue dans l’antiquité.

(23) Tmolus, montagne de Phrygie, où le Pactole prend sa source.

(24) Œta, montagne très-élevée entre le Pinde et le Parnasse, et qui séparait la Thessalie et la Macédoine. Hercule mourut sur le mont Œta.

(25) Ida est le nom de deux montagnes, l’une dans la Troade et l’autre dans l’île de Crète. Il est question ici de la première.

(26) Hélicon, montagne de la Béotie, aux confins de la Phocide, célèbre par sa fontaine d’Hippocrène et par son temple consacré aux Muses.

(27) Hémus, montagne de la Thrace, sur laquelle les poètes placent souvent le dieu Mars, examinant en quel endroit de la terre il portera ses fureurs. C’est sur l’Hémus qu’Orphée fut déchiré par les Ménades. Ce mont prit alors le nom d’Œagrius, parce qu’Orphée était fils d’Œagrus.

(28) Etna, montagne de Sicile, fameuse dans l’antiquité par les forges de Vulcain.

(29) Eryx, montagne et ville de Sicile, célèbre par un temple dédié à Vénus, qui prit le nom d’Érycine, et par la sépulture d’Anchise.

(30) Cynthe, montagne située au milieu de l’île de Délos. Apollon fut surnommé Cynthius et Diane Cynthia, parce que l’un et l’autre étaient nés sur ce mont, qui leur fut consacré, et qui porte aujourd’hui le nom de Castro.

(31) Othrys, montagne de la Thessalie, près de la Phthrotide, d’après Casaubon, et demeure des Centaures. Strabon y place la source de l’Énipée.

(32) Rhodope, montagne de Thrace toujours couverte de neige.

(33) Mimas, montagne d’Asie, surnommée, pour sa hauteur, υψικρημνος.

(34) Dindyme, montagne de Phrygie, où Jason, chef des Argonautes, éleva un temple à Cybèle, surnommée depuis Dindymienne.

(35) Mycale, montagne ou promontoire de l’Ionie, proche d’Éphèse et de la mer Égée, vis-à-vis le cap de Neptune, dans l’île de Samos.

(36) Cithéron, montagne célèbre près de Thèbes, en Béotie, consacrée à Jupiter et à Junon, selon Pausanias ; à Bacchus, selon Virgile ; et aux Muses, selon Pline. Servius fait du Cithéron un des deux sommets du Parnasse.

(37) On peut consulter, sur les conjectures des anciens, à propos de cet étrange phénomène. Bruck., ad Propert., liv. IV, élég. iii, v. 10 ; et sur les opinions des modernes, Haller, Éléments de Physiologie, tom. V, p. 17 et suiv.

(38) Dircé, fontaine qui coulait près de la ville de Thèbes.

(39) Amymone, fontaine voisine de Lerne, et qui tirait son nom de la nymphe Amymone.

(40) Éphyre, ancien nom de Corinthe.

(41) Pyrène, fontaine consacrée aux Muses, et qui avait sa source au bas de l’Acrocorinthe.

(42) Tanaïs, fleuve de Scythie, qui, selon Ptolémée, Strabon et Pompouius Méla, sépare l’Asie de l’Europe, dans sa partie la plus avancée à l’est. Il a sa source vers la province de Rezan, en Russie, et se jette dans le Palus-Méotide (mer de Zabache) par deux embouchures. Les modernes l’appellent Don.

(43) Caïque, fleuve de la Mysie, appelé Zauræus avant que Caïcus, fils de l’Océan et de Téthys, se précipitât dans son sein et lui donnât son nom.

(44) Teuthrante, contrée et ville de la Mysie, qui reçut ce nom de Teuthras, fils de Pandion, roi de Lilicie et de Mysie.

(45) Ismène ou Ismenus, fleuve ou plutôt fontaine qui coulait près des murs de Thèbes, en Béotie, appela d’abord le pied de Cadmus, parce qu’après avoir tué le dragon à coups de flèches, Cadmus, enfonçant le pied droit dans le limon, fit sourdre une rivière en le retirant.

(46) Érymanthe, montagne, fleuve et forêt de l’Arcadie.

(47) Ovide fait ici allusion à la fable d’après laquelle, au moment où le Xanthe débordé allait fondre sur Achille, Vulcain jeta tant de feux dans ses eaux qu’elles s’embrasèrent. (Homère, Iliade, liv. XXI, v. 212-384.)

(48) Ténare, promontoire du Péloponèse, en Laconie, au pied duquel on voyait un antre profond d’où sortait une vapeur noire et malsaine ; ce qui donna lieu aux poëtes de faire de cet antre le chemin des enfers, et de désigner les enfers eux-mêmes par le nom de Ténare.

(49) L’Euphrate, un des plus grands fleuves de l’Asie, qui se jette dans le golfe Persique.

(50) L’Oronte, fleuve de Syrie, qui a sa source dans le Liban, et qui baigne les murs d’Antioche, avant de se jeter dans la mer.

(51) Thermodon, jadis Araxe. Les Amazones habitaient sur ses bords.

(52) Le Gange, le plus grand et le plus célèbre fleuve des Indes. Il prend sa source au mont d’Alanguer, sur les limites du petit Thibet, à l’extrémité méridionale de la Grande-Tartarie.

(53) On sait que les anciens ne connurent pas les sources du Nil ; les modernes en ont découvert trois dans l’Abyssinie.

(54) L’Éridan, ou le Pô, fleuve d’Italie, qui prend sa source dans les Alpes. Virgile l’appelle le roi des fleuves, parce que c’est le fleuve le plus considérable d’Italie.

(55) La Terre, une des plus anciennes divinités connues.

(56) L’Ambre est un suc gommeux qui découle de certains arbres et qui s’endurcit. Le poëte, selon sa coutume, explique la nature par la fable.

(57) Cycnus, roi de Ligurie, fut un musicien célèbre. Sa voix, son nom, la douleur qu’il eut de la mort de Phaéton, ont fait imaginer cette métamorphose.

(58) Les anciens Grecs comprenaient sous le nom de peuples de la Ligurie les habitants de toute l’Italie supérieure.

(59) Nonacris, montagne de l’Arcadie.

(60) Calisto est connue aussi sous le nom d’Hélicé, fille de Lycaon, roi d’Arcadie ; elle est appelée Parrhasis, du nom de Parrhasius, son frère, fondateur de la ville de Parrhasis, en Arcadie.

(61) Arcas était roi de l’Arcadie, à laquelle il donna son nom. Elle portait avant lui le nom de Pélasgie.

(62) Ce sont les sept étoiles de la grande Ourse, et les quatre étoiles de la petite Ourse. Ces deux constellations du pôle septentrional, élevé au-dessus de nous, ne descendent jamais sous l’horizon ; ce qui fait dire aux anciens poëtes qu’elles ne se plongent point dans la mer

(63) Coronis, était fille de Phlégias, roi des Lapithes et père d’Ixion. Il y eut une Coronis, fille de Coronée, qui fut aimée de Neptune, et métamorphosée en corneille, comme on le voit dans une fable suivante.

(64) Érichthon, quatrième roi d’Athènes, passe pour l’inventeur des chars. Peut-être faut-il se borner à croire qu’il attela le premier à son char quatre courriers. Mort, après un règne de cinquante ans, vers l’an 1501 avant J.-C. il fut placé parmi les astres, où l’on croit qu’il forme la constellation du Bouvier.

(65) Originaire de Saïs, en Égypte, Cécrops vint en Grèce, à la tête d’une colonie égyptienne, vers l’an 400 avant la prise de Troie. Les commentateurs pensent que la fable des deux natures données à Cécrops, et qui le firent surnommer Dyphnès et Bifrons, vient, ou de ce que ce prince parlait deux langues, le grec et le phénicien, ou de ce qu’il institua le mariage, qui, unissant l’homme et la femme, n’en fait, pour ainsi dire, qu’un même corps, ou de ce qu’il commandait à deux peuples, les Grecs et les Égyptiens, ou enfin, suivant Démosthènes, parce qu’il réunissait à la prudence dans les conseils l’audace dans l’exécution.

(66) Nyctimène, était fille d’Épopée, ou, suivant d’autres, de Niclée, roi de Lesbos.

(67) Le Centaure Chiron était fils de Philyra et de Saturne, qui s’était déguisé sous la forme d’un cheval, pour tromper la jalousie de Rhée, son épouse.

(68) Ocyrhoé était ainsi nommée parce qu’elle vint au monde sur les bords d’un fleuve rapide, ῥέω et ὠκύς.

(69) Voici le sens de cette prédiction : Esculape reçut en quelque sorte une seconde vie à sa naissance, puisqu’il fut tiré du sein de sa mère expirante. Il ressuscita Hippolyte, fils de Thésée, que son père avait dévoué à la colère de Neptune. Ce prodige irrita Jupiter, qui le foudroya et en fit ensuite un dieu adoré à Épidaure.

(70) Le Centaure laissa tomber sur son pied une des flèches d’Hercule, teinte du sang de l’hydre, et dont les blessures étaient incurables. La force des tourments lui fit demander la mort avec instance ; mais il était immortel. Cependant les dieux exaucèrent ses vœux et le placèrent, dans le ciel, parmi les signes du zodiaque : c’est le Sagittaire.

(71) Nélée, roi de Pylos, était père de Nestor.

(72) Le fondement de cette fable est dans Homère. Elle a été aussi racontée par Hésiode, Apollonius de Rhodes et Antonin.

(73) Maïa, une des Pléiades, était placée à la tête du Taureau, constellation méridionale, par rapport aux Phéniciens. Il faut supposer qu’en donnant ces ordres à Mercure, Jupiter était tourné vers l’occident ; de cette manière, Sinistra pars désigne évidemment l’hémisphère méridional. « λέγει δὲ τούτο, » dit un scoliaste de Planude.

(74) Europe était petite-fille de Neptune par son père, et sœur de Cadmus. Plusieurs auteurs ont cru que la fille d’Agénor avait donné son nom à l’Europe, dont les habitants sont blancs.

Europe est encore le nom d’une Océanide, et le surnom de Cérès, nourrice de Trophonius.