Page:Ovide - Œuvres complètes, Nisard, 1850.djvu/544

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mamelles pleines à la main qui les presse. Plus de rêts et de lacs, plus d’inventions perfides ; n’attirez plus l’oiseau sur la glu, ne poussez plus le cerf épouvanté dans vos toiles(9), ne cachez plus, sous un appât trompeur, la pointe de l’hameçon. Détruisez les animaux nuisibles, mais contentez-vous de les détruire ; laissez leur chair, et ne prenez que des aliments dignes de l’homme. »

III. Après avoir recueilli les leçons de Pythagore, Numa revint dans sa patrie : appelé au trône par le peuple, il prit les rênes de l’empire. Heureux époux d’une nymphe, aidé par ses conseils et par ceux des muses, il institua les rites sacrés, et il fit passer un peuple belliqueux du métier des armes aux habitudes et aux travaux de la paix. Quand, après un long règne, il eut terminé sa vie, les femmes romaines, le peuple et le sénat le pleurèrent. La nymphe Égérie s’éloigna de Rome, et vint cacher sa douleur dans les sombres forêts d’Aricie, où elle troublait de ses gémissements et de ses plaintes le culte de Diane, établi par Oreste. Que de fois les nymphes du lac et de la forêt lui firent de doux reproches, et lui adressèrent de consolantes paroles ! Que de fois le fils de Thésée lui dit : « Cesse de pleurer ! ton sort n’est pas le seul à plaindre ; regarde autour de toi, vois les malheurs des autres, et le tien te paraîtra plus léger. Hélas ! je voudrais bien ne pas avoir mon exemple à t’offrir ; mais il peut servir à soulager ta douleur. Tu as sans doute entendu parler d’un Hippolyte, mort victime de la crédulité d’un père et de la perfidie d’une infâme marâtre ; tu vas être étonnée, tu m’en croiras à peine, je suis cet Hippolyte. Jadis la fille de Pasiphaé, après d’inutiles efforts pour me faire souiller le lit paternel, tourna son crime contre moi, et soit crainte, soit colère, elle m’accusa de vouloir ce qu’elle voulait elle-même. Innocent, je fus chassé d’Athènes par Thésée, avec la malédiction paternelle sur ma tête. Monté sur un char, j’allais à Trézène chercher un asile auprès de Pitthée, et déjà je touchais aux rivages de Corinthe : soudain la mer se soulève ; une masse d’eau effroyable, une montagne humide, se gonfle en mugissant ; elle s’ouvre et vomit, parmi les vagues écumantes, un monstre armé de cornes ; sa vaste poitrine se dresse au-dessus des flots ; l’onde jaillit de ses naseaux et de sa large gueule. Au milieu de mes compagnons épouvantés, seul, tout entier à la douleur de l’exil, je reste sans effroi. Mais à la vue du monstre, mes fiers coursiers, frappés d’horreur, les oreilles dressées, s’élancent vers la mer ; la frayeur les trouble et les emporte ; ils précipitent le char à travers des rochers escarpés. Je lutte pour les soumettre au frein blanc d’écume ; je me penche en arrière ; je