Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/130

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Lorsqu’elle parut à mes yeux sans aucun vêtement, je ne vis pas sur son corps la moindre tache. Quelles épaules ! quels bras je pus voir et toucher ! Quelle gorge parfaite il me fut donné de presser ! Sous cette poitrine sans défaut, quelle peau blanche et douce ! Quelle taille divine ! Quelle fraîcheur de jeunesse dans cette jambe ! Mais pourquoi m’arrêter sur chacun de ses appas ? Je ne vis rien qui ne méritât d’être loué ; et nul voile jaloux ne resta entre son beau corps et le mien. Est-il besoin que je dise le reste ? Épuisés de fatigue, nous nous endormîmes dans les bras l’un de l’autre. Oh ! puissé-je souvent faire ainsi ma méridienne !


ÉLÉGIE VI.

Portier, toi que chargent, ô indignité ! de lourdes chaînes, fais rouler sur ses gonds cette porte rebelle. Ce que je te demande est peu de chose : entr’ouvre-la seulement, et que cette demi-ouverture me permette de me glisser de côté ; un long amour m’a assez aminci la taille, et a rendu mes membres assez maigres pour qu’ils puissent y passer ; c’est lui qui m’apprend à m’insinuer sans bruit au milieu, des gardes, c’est lui qui guide et protège mes pas. Autrefois je redoutais la nuit et ses vains fantômes ; je m’étonnais qu’on pût marcher au milieu des ténèbres ; alors Cupidon se prit à rire avec sa tendre mère, assez haut pour se faire entendre de moi ; puis il me dit tout bas : "Toi aussi tu deviendras brave." L’Amour vint me surprendre bientôt, et maintenant je ne crains ni les ombres qui voltigent dans la nuit ni la main meurtrière armée contre moi. Je ne redoute que ton extrême lenteur ; c’est toi seul que je veux attendrir ; dans ta main est la foudre qui peut me perdre. Regarde, fais disparaître un instant cette cruelle barrière, et tu verras comme cette porte est mouillée de mes larmes. C’est moi, tu le sais, qui, au moment où des coups allaient pleuvoir sur tes épaules nues, intercédai pour toi auprès de ta maîtresse ; les prières qui eurent autrefois tant de pouvoir pour toi, aujourd’hui, ô ingratitude ! ne peuvent-elles donc rien pour moi ? Paie-moi du service que je t’ai rendu ; voici l’occasion d’être aussi reconnaissant que tu le désires. La nuit s’écoule, fais glisser les verrous, fais-les glisser, et puisses-tu, à ce prix, être pour toujours affranchi de ta chaîne, et ne plus jamais boire l’eau des esclaves.

Portier impitoyable ! tu n’écoutes pas ma prière ! Ta porte, du chêne le plus dur, reste fermée pour moi. Que d’inébranlables portes soient nécessaires pour une ville assiégée, je le conçois ; mais au milieu de la paix, pourquoi craindre les armes ? Comment agirais-tu envers un ennemi, si tu repousses ainsi un amant ? La nuit s’écoule, fais glisser les verrous.

Je viens désarmé ; des soldats ne forment