Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/144

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ÉLÉGIE I.

Encore un ouvrage d’Ovide qu’a vu naître l’humide contrée des Pélignes au fécond littoral, d’Ovide, le poète de ses propres folies. C’est encore l’Amour qui l’a voulu. Loin d’ici, oui, loin d’ici, beautés sévères ! Vous n’êtes point l’auditoire qu’il faut à de tendres accents. Je veux être lu par la vierge dont le cœur s’enflamme à la vue de son fiancé, et par le jeune adolescent que l’Amour vient de blesser pour la première fois ; je veux que l’amant, frappé du même trait que moi, reconnaisse, en me lisant, le feu qui le dévore, et qu’après un long étonnement il s’écrie : "Comment ce poète a-t-il connu le secret de mes amours ? " J’avais osé, je m’en souviens, chanter la guerre des dieux et Gygès aux cent mains ; la force ne m’aurait point manqué. J’allais dire la terrible vengeance de Tellus et la chute de Pélion roulant avec l’Ossa du haut de l’Olympe envahi. J’avais en mes mains les nuages, Jupiter et la foudre, qui, lancée par lui, eût défendu son empire. Ma maîtresse me ferma sa porte ; aussitôt j’oubliai Jupiter et sa foudre ; oui, Jupiter lui-même cessa d’occuper ma penses.

Pardonne, maître des dieux ! tes traits ne me servaient à rien ; cette porte fermée était à mes yeux plus que ta foudre. Je revins à mes badinages, à mes légères élégies, ces armes qui m’appartiennent ; et la douceur de mes chants amollit bientôt la dureté des portes.

Les vers font descendre vers nous le disque ensanglanté de la Lune ; ils arrêtent, au milieu de leur course, les blancs coursiers du jour ; les vers arrachent aux serpents leur dard empoisonné ; ils forcent le fleuve à remonter vers sa source. Devant des vers sont tombées des portes ; ils ont triomphé de la serrure et du chêne épais qui la portait. Qu’aurais-je gagné à chanter Achille aux pieds légers ? Qu’auraient fait pour moi les deux Atrides, et ce guerrier qui, après dix ans de combats, erra dix ans à l’aventure, et cet Hector, traîné sans pitié par les