apprennent à compter ainsi, soit parce que les femmes accouchent au dixième mois, [3, 125] soit parce que nos chiffres ne vont en croissant que jusqu'à dix, et recommencent alors de nouvelles séries. C'est pour cela que Romulus partagea en dix corps, de chacun cent hommes, tous les soldats combattant avec les mêmes armes: il y eut dix corps de hastats, dix de princes, dix de pilani. [3, 130] Ceux qui avaient mérité d'être gratifiés d'un cheval étaient également divisés par dix, comme aussi les trois tribus, auxquelles il donne le nom de Titiens, de Ramnes, de Lucères. C'est pendant dix mois encore que la veuve pleure son époux; enfin ce nombre se trouvait partout, et Romulus le choisit pour mesurer l'année.
[3, 135] Si vous doutez que les Calendes de Mars aient tenu autrefois le premier rôle, il est des usages encore auxquels vous pouvez le reconnaître: à ce moment la guirlande de laurier qui a été suspendue toute l'année dans la demeure des flamines disparaît, et fait place à de nouveaux rameaux; l'arbre verdoyant de Phébus décore la porte du roi des sacrifices, [3, 140] la porte de la vieille curie. La statue de Vesta se pare d'une nouvelle couronne récemment cueillie sur l'antique laurier des autels troyens. C'est alors aussi, dit-on, que le feu sacré se renouvelle au fond du sanctuaire caché, et que la flamme ranimée brûle avec plus d'ardeur. [3, 145] Une autre preuve pour moi que le mois de Mars ouvrait l'ancienne année, c'est qu'il a vu commencer le culte d'Anna Perenna. Du temps de nos pères, jusqu'à la guerre du perfide Hannibal, on entrait en charge au mois de Mars. Enfin Quintilis n'est le cinquième mois que si l'on compte à partir du mois de Mars, [3, 150] et j'en dirai autant de tous ceux qui le suivent.
Celui que les Romains allèrent chercher au pays célèbre par ses olives, Pompilius, s'aperçut le premier que l'année était incomplète, averti peut-être par la nymphe Égérie, ou instruit par l'inventeur de la métempsycose, par le philosophe de Samos. [3, 155] Toutefois il ne fixa pas par d'infaillibles règles la division du temps; cette gloire, entre tant d'autres, était réservée à César. Ce dieu, ce père d'une si noble race, ne crut pas cette étude au-dessous de lui; ce ciel, qu'il devait habiter un jour, il voulut le connaître d'avance, [3, 160] et ne pas entrer comme un hôte ignorant dans la demeure des immortels. Il détermina, par des calculs certains, le temps que met le soleil à revenir au signe d'où il était parti; aux trois cent cinq jours de l'ancienne année, il en ajoute soixante, et de plus six heures; le jour que forment ces heures s'ajoute ensuite au lustre et le complète, [3, 165] et telle est la mesure de l'année.
S'il est permis aux poètes de s'entretenir en secret avec les dieux, si la renommée n'a pas menti en nous prêtant ce privilège, dis-moi, ô Gradivus, toi, la plus virile entre toutes les divinités, [3, 170]