Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/610

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Phébus brillera tout entier, je te donnerai un gage assuré du salut de l'empire."

Il dit, ébranle l'air d'un grand coup de tonnerre, et remonte aux cieux, laissant Numa dans une adoration silencieuse. Numa, de retour, raconte, plein de joie, aux Romains, ce qu'il vient d'entendre. [3, 350] Ce n'est que lentement et difficilement qu'on ajoute foi à son récit. "Vous me croirez au moins, dit-il, si l'événement confirme mes paroles. Sachez donc, vous tous qui m'écoutez, ce qui doit arriver demain. Lorsque le disque de Phébus brillera tout entier, Jupiter nous donnera un gage assuré du salut de l'empire." [3, 355] La foule se retire doutant toujours; cette promesse lui semble tardive, et, pour croire, elle remet au lendemain.

La terre était humide encore de la rosée du matin, et déjà le peuple s'était rassemblé devant le palais de son roi. Il sort, et va s'asseoir sur son trône d'érable. [3, 360] Une foule innombrable l'entoure et se tait. Le soleil commençait à peine à paraître sur l'horizon; la crainte, l'espérance tiennent en suspens tous les esprits. Le roi, debout, la tête couverte d'un voile blanc, lève au ciel ces mains que les dieux connaissent. [3, 365] "O Jupiter, dit-il, voici le moment où nous allons recevoir le présent promis; puisse ta parole ne pas tarder à s'accomplir!". Tandis qu'il achevait ces mots, le soleil s'était élevé du sein des ondes; tout à coup, un bruit formidable ébranle la voûte des cieux; l'air est serein et sans nuages, et pourtant le tonnerre retentit trois fois; trois fois la foudre est lancée. [3, 370] Ce sont là des prodiges; mais, croyez-moi, je ne raconte que ce qui s'est passé. Le ciel s'entrouvre; peuple et roi, tous baissent les yeux; alors, doucement balancé sur l'aile des vents, un bouclier tombe; tout le peuple pousse un cri.

[3, 375] Numa immole d'abord une génisse dont la tête n'a jamais fléchi sous le joug, puis il ramasse le présent céleste, et lui donne le nom d'ancile, parce qu'il est échancré sur toutes les faces, et que l'oeil n'y découvre aucun angle. Mais bientôt Numa se souvint que le destin de l'empire était désormais attaché à ce bouclier; [3, 380] il eut recours à une ruse ingénieuse pour le dérober aux regards et le protéger contre toute surprise: il ordonna qu'on en fabriquât un grand nombre en tout semblables à celui-là. Ce fut l'ouvrage de Mamurius, citoyen vertueux autant qu'habile ouvrier. [3, 385] "Demande ton salaire, lui dit Numa, disposé à le combler de richesses; crois-en la parole de ton roi, tout ce que tu désireras, je te l'accorderai." Déjà les Saliens (dont le nom vient du mot qui désigne la danse) avaient reçu de lui des armes et des hymnes à chanter d'après un rythme prescrit. "Que la gloire soit ma récompense, dit Mamurius, [3, 390] et qu'à la fin de leurs hymnes les Saliens répètent mon nom." C'est pour cela que nos prêtres répètent le nom de Mamurius; ils