Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/629

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le prêtre, consultant les oracles des poèmes sibyllins, y lut ces vers: "La mère est absente, Romains, il faut chercher la mère; je l'ordonne, [4, 260] et qu'à son arrivée elle soit reçue par de chastes mains." Les sénateurs se consument en vaines conjectures pour trouver le sens de cet oracle mystérieux. Quelle mère est absente? Où faut-il aller la chercher? On consulte Péan. "Faites venir la mère des dieux, dit-il; vous la trouverez au sommet de l'Ida."

[4, 265] On députe les premiers de Rome. Attale, qui régnait alors en Phrygie, refuse d'accéder à la demande des Ausoniens. Mais, ô prodige! voici que la terre tremble avec un long murmure, et la déesse fait entendre ces mots du fond de son sanctuaire: "C'est à ma prière même que l'on vient me chercher. Point de délais; cesse de retenir celle qui veut partir: [4, 270] Rome est digne de recevoir tous les dieux." Cette voix a frappé Attale d'épouvante: "Pars, dit-il, tu seras toujours néanmoins la déesse des Phrygiens, puisque la Phrygie est le berceau des héros de Rome."

Aussitôt d'innombrables haches abattent ces forêts de pins, que le pieux Énée avait dépouillées aussi avant de partir pour l'exil. [4, 275] Mille bras se lèvent ensemble, et bientôt un vaisseau, décoré au-dehors à l'aide de cires brûlantes, reçoit la mère des dieux dans ses flancs profonds. La déesse vogue sans danger sur les mers soumises à son fils; elle arrive au long détroit de la soeur de Phryxus, dépasse les tourbillons du Rhétée, et le rivage de Sigée, [4, 280] et Ténédos, et l'antique cité d'Éétion. Elle laisse derrière elle Lesbos, traverse les Cyclades, et les eaux qui se brisent contre les bas-fonds de Carystus, et la mer Icarienne, où Icare tomba, n'étant plus soutenu par ses ailes, comme l'atteste le nom qu'il lui a laissé. [4, 285] Entre la Crète, à gauche, et les eaux de Pélops, à droite, elle gagne Cythère, consacrée à Vénus. De là elle vogue vers la mer de l'île aux trois pointes, où Brontès, Stéropès et Aemonidès ont coutume de tremper le fer blanchi dans les flammes. Effleurant les eaux de l'Afrique, elle aperçoit à la gauche de ses rameurs le royaume de Sardaigne, [4, 290] et aborde en Ausonie. Elle avait atteint l'embouchure par où le Tibre se jette dans la mer, et se donne une plus libre carrière.

Les chevaliers, les graves sénateurs, mêlés au peuple, viennent au-devant d'elle, sur les bords du fleuve toscan. [4, 295] On voit s'avancer aussi les mères et les filles, et les jeunes épouses, et les vierges qui veillent sur le feu sacré! Une corde est attachée au navire; les hommes la tirent avec effort et se fatiguent en vain; le navire étranger ne remonte qu'avec peine le courant qui lui résiste. À un endroit où la terre avait été sèche longtemps, où les ardeurs du soleil avaient flétri les herbes, [4, 300] la quille s'arrête embarrassée dans une vase profonde; chacun travaille à la dégager, et s'y emploie avec zèle;