Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/659

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dans les ondes, pour qu'elle s'attache plus étroitement à son cou. [5, 615] En descendant sur le rivage, les cornes de Jupiter ont disparu; le taureau est redevenu un dieu. Le taureau est placé dans le ciel; fille de Sidon, Jupiter te rend mère, et tu donnes ton nom à l'une des trois parties du monde. D'autres prétendent que ce signe est la génisse de Paros, [5, 620] de femme devenue génisse et de génisse déesse.

C'est aussi à cette époque que la vestale précipite du pont de bois, suivant l'usage, les simulacres en jonc des anciens hommes. Dire que nos aïeux avaient coutume de mettre à mort tous ceux qui avaient accompli leur soixantième année, c'est les accuser d'un crime barbare. [5, 625] Voici l'antique tradition: lorsque cette contrée s'appela Saturnie, le dieu des oracles prononça ces paroles: "Peuples, sacrifiez deux hommes au vieillard qui porte la faux, et que les eaux du Tibre reçoivent leurs corps." Jusqu'à la venue du héros de Tirynthe, chaque année, [5, 630] comme à Leucade, on vit s'accomplir ce cruel sacrifice. Mais lui, ce fut des Romains de paille qu'il fit précipiter dans les flots; et depuis Hercule, on n'y jette également que des simulacres de victimes.

Quelques-uns pensent que les jeunes gens, voulant seuls jouir du droit de suffrage, précipitèrent des ponts les faibles vieillards. [5, 635] "Tibre, apprends-moi la vérité; ta rive est plus ancienne que la ville; tu dois bien connaître l'origine de cette cérémonie." Le Tibre sort de son lit; il lève sa tête couronnée de roseaux, et, d'une, voix rauque, il prononce ces paroles: "J'ai vu ces lieux sans remparts; ce n'étaient que des pâturages déserts; [5, 640] quelques boeufs paissaient çà et là sur le rivage. Ce Tibre, qu'aujourd'hui les nations connaissent et redoutent, était alors dédaigné même parles troupeaux. Tu as souvent entendu le nom d'Évandre l'Arcadien; il vint, étranger, fendre mes flot de ses rames. [5, 645] Alcide vint aussi, accompagné de jeunes Grecs; je portais alors, s'il m'en souvient, le nom d'Albula. Le héros de Pallantée donne l'hospitalité au dieu, et Cacus reçoit enfin le châtiment dû à ses crimes. Le vainqueur part; il emmène avec lui ses boeufs, conquête de l'île d'Érythée; [5, 650] mais ses compagnons refusent d'aller plus loin. Une partie d'entre eux avait quitté Argos, pour le suivre; il fixe au pied de ces collines leurs pénates et leurs espérances. Cependant l'amour de la patrie se réveille dans leur coeur; un d'eux, en mourant, donne cet ordre en peu de mots: [5, 655] "Jetez-moi dans le Tibre; et puissé-je, porté par les eaux, déposer une froide dépouille sur les rives de l'Inachus!" Mais l'héritier se refuse à donner cette sépulture qu'on lui demande, et I'étranger, à sa mort, est confié à la terre d'Ausonie. À sa place, on jette dans le Tibre une figure de