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LES AMOURS
De cheveux blancs semait ma tête,

Et, depuis mon berceau, dans Olympie en fête
Les Jeux dix fois avaient eu cours ;
Quand César offensé me relégua vers Tome,
Sur la gauche du Pont-Euxin.
D’en conter les motifs je n’ai pas le dessein :
Ils sont assez connus de Rome.
Amis et serviteurs, dirai-je vos méfaits,
Plus durs pour moi que ma disgrâce ?
Mon âme s’indigna de faiblir, et, tenace,
Sans succomber porta le faix.
Oubliant et ma toge et les loisirs paisibles,
Je ceignis des glaives nouveaux,
Et sur terre et sur mer j’endurai plus de maux
Qu’il n’est au ciel d’astres visibles,
Quels détours !.. J’abordai chez le Sarmate enfin,
Voisin du Gète à l’arc perfide.
Ici, quoique étourdi d’un fracas homicide,
La lyre adoucit mon destin ;
Et bien qu’à mes accents personne ne réponde,
Je trompe ainsi l’ennui du jour.
Quand donc j’existe encore et sens l’exil moins lourd,
Quand mon angoisse est moins profonde,
Muse, c’est grâce à toi ! Tu viens sécher mes yeux,
Tu viens distraire mes pensées.
Ô compagne, ô cher guide, à ces rives glacées
Par toi j’échappe et touche aux cieux !
Vivant, ton amitié m’a permis cette gloire