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OVIDE

Elle eut beau m’agacer de sa langue vermeille
Cuisse à cuisse étreindre mes chairs,
M’appeler son seigneur, et des mots les plus chers,
Savamment flatter mon oreille :
Comme si la ciguë eût gelé mes ressorts,
Je refusai la chose due :
Je restai comme un tronc, un spectre, une statue.
Étais-je une ombre ? étais-je un corps ?

Ah ! s’il me faut vieillir, que sera ma vieillesse
Quand mon printemps se fane ainsi ?
Je rougis de mes ans : homme et jeune, en ceci
J’ai démenti sexe et jeunesse.
Ma belle s’est levée en vierge de Vesta,
En chaste sœur quittant son frère.
Pourtant deux fois Chloé, trois Libes et Néère
M’ont vu naguère entrer recta.
Et dans une nuit courte, excité par Corinne,
J’entrai neuf fois, je m’en souviens.
Dois-je mon crime au fait de sacs thessaliens,
À quelque sort, quelque racine ?
Ou sur la cire rouge ayant mon nom inscrit,
M’a-t-on d’un dard percé le foie ?
Sous l’action d’un charme aucun pré ne verdoie,
Toute fontaine se tarit.
Grâce aux sorciers, les fruits tombent tout seuls de l’arbre,
Le cep meurt, les glands se font clairs :
L’art magique peut donc paralyser les nerfs :