Page:Ovide - Les Amours, traduction Séguier, 1879.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
131
LES AMOURS

Il m’a changé peut-être en marbre.

Ajoutez-y la honte ; oui, la honte en était, —
Seconde cause d’impuissance.
Quel beau corps cependant s’offrait là sans défense !
Car ma main à nu l’inspectait.
Au doux contact, Nestor eût oublié son âge ;
La vigueur eût repris Tithon.
Moi, je tins une femme, elle, un pauvre avorton.
Par quels vœux ravoir l’avantage ?
Sans doute que les Dieux, choqués de mon début,
De leur don rare ont repentance.
Je brûlais d’être admis, on admit ma présence ;
J’aimai voir, toucher : ainsi fut.
À quoi bon tant de biens, un sceptre sans empire,
Mille trésors improductifs ?
Ainsi Tantale a faim sous des pommiers rétifs,
Et, dans l’onde, après l’eau soupire.
De son épouse ainsi se sépare, au matin,
L’époux marchant vers le saint prêtre.
Mais ses plus chauds baisers m’auront manqué peut-être ?
L’on n’aura su me mettre en train ?
Erreur ! sa bouche avide et son brûlant manège
Eussent fondu rocs, diamants.
Elle eût certe animé tous les hommes vivants :
Mais alors à peine vivais-je.
Que feraient à des sourds les chants de Phémius,
À Thamyras des toiles peintes ?