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Page:Ovide - Les Amours, traduction Séguier, 1879.djvu/159

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LES AMOURS

Avant de se livrer aux assauts d’un Quirite,
Nos Phrynés tirent leurs verrous :
Toi, tu vas recherchant un funeste mérite,
En publiant tes rendez-vous.
Sois meilleure, ou du moins singe la fille honnête ;
Coupable, feins le dévouement.
Refais ce que tu fis, mais démens l’œuvre faite ;
Parle au dehors modestement.

Il est un lieu d’ivresse : emplis-le de délices,
Et bannis-en toute pudeur ;
En sors-tu, des plaisirs efface les indices ;
Laisse en ta couche ton ardeur.
Là, dépouille sans honte une robe gênante,
Là, que se pressent vos flancs nus.
Là, qu’une langue plonge en ta bouche enivrante ;
Qu’Amour y centuple Vénus. [
Que soupirs et doux cris, là, résonnent sans cesse ;
Qu’au branle ardent craque le lit.
Reprends, avec ton voile, un air plein de sagesse,
Désavouant l’impur délit.

Trompe la foule et moi : qu’ignorant tout, je vive
Dans ma sotte erreur introublé.
Pourquoi vois-je échanger mainte et mainte missive ?
Pourquoi ce lit partout foulé ?
Et ces cheveux défaits bien plus que par le somme,
Ce cou qu’une dent vint meurtrir ?