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LES AMOURS

À mille horreurs elle a recours.
L’ouragan, à sa voix, prépare ses désastres,
Ou l’azur brille, éblouissant.
J’ai vu, le croirez-vous ? du sang tomber des astres ;
Dans la lune j’ai vu du sang.
Je m’en doute, son corps, où la plume se mêle,
La nuit, voltige dans les airs.
Le bruit d’ailleurs en court. Une double prunelle
De ses yeux lance des éclairs.
Des tombeaux elle évoque aïeux, bisaïeux même ;
Le sol s’entr’ouvre sous ses pas.
Brouiller d’heureux amants, voilà son but suprême :
Sa verve alors ne tarit pas.
Un jour, je fus témoin des leçons qu’elle donne,
Derrière une porte abrité :

« Sais-tu qu’un élégant hier te vit, ma mignonne ?
II s’arrêta, l’air enchanté.
À qui ne plairais-tu ? ta grâce est sans rivale ;
Mais l’argent manque à tant d’attraits.
Je voudrais ta parure à leur splendeur égale ;
À mon tour tu m’enrichirais.
De l’étoile de Mars tu n’eus aucun sourire.
Mars fuit ; Vénus t’offre ses soins.
Quel changement ! regarde, un riche te désire
Et s’informe de tes besoins.
Il est beau comme toi. S’il ne payait tes charmes,
Tu devrais acheter les siens…’