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PRÉFACE.

en faisant un trait d’esprit au lieu d’une inspiration du cœur.

Après avoir chanté les Amours, Ovide voulut donner, pour ainsi dire, le code de la tendresse. L’Art d’aimer contient tous les secrets que lui avait révélés une longue et heureuse expérience : comment on trouve une maîtresse, comment on la captive, comment on la conserve, comment on la quitte, tous détails dont n’avaient pas besoin, sans doute, les jeunes gens de famille de Rome, et qui, du reste, n’ont rien de bien délicat. Voulez-vous rencontrer une amante, courez les places publiques, les temples, les spectacles, la ville, la campagne, les eaux de Baies. Eh quoi ? l’amour s’apprend-il ? Pour le faire naître, pour le fixer, y a-t-il des règles ? je ne sais ; mais je doute que l’Art d’aimer d’Ovide, pas plus que celui de Gentil-Bernard, ait jamais fait le bonheur d’un amant. L’Art d’aimer est bien inférieur aux Amours : il y a la différence du souvenir à l’impression. Dans les Amours, le cœur d’Ovide suffit à ses inspirations, son esprit à l’expression d’une passion toujours la même, toujours nouvelle ; dans l’Art d’aimer, les épisodes viennent souvent au secours du poète, et ces épisodes, quelquefois peu décents, ne sauraient racheter par quelques détails ingénieux leur inutilité et leur longueur. Nous ne nous arrêterons pas sur ces premières poésies d’Ovide : M. Jules Janin, dans la brillante étude qu’il a mise en tête d’un volume de cette collection, les a appréciées avec ce goût vif et piquant, cette grâce de critique qui lui sont particuliers.

Ainsi vivait Ovide, heureux de ses vers et de ses amours, et donnant de son art les charmantes leçons ; accueilli, sinon aimé d’Auguste, revêtu de ces honneurs qui pour lui avaient été une distinction sans être une charge, rien ne semblait devoir troubler le calme de sa vie et le bonheur de son avenir, lorsqu’un coup imprévu le vint frapper :