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ORNEMENTS MAURESQUES.

De même que nous croyons, en fait de proportions, que les proportions les plus belles seront celles que l’œil aura le plus de difficulté à découvrir ;[1]ainsi nous croyons à l’égard des courbes, que les courbes les plus agréables seront celles, où le procédé mécanique de leur formation sera le moins visible. aussi trouvons nous, comme règle universelle, que les moulures et tous les ornements des meilleures périodes de l’art étaient fondés sur des courbes d’un ordre élevé, telles que les sections coniques ; tandis que pendant la décadence de l’art, les cercles et les dessins au compas étaient les plus prédominants.

Les recherches de M. Penrose ont démontré, que toutes les moulures et les lignes courbes du Parthénon représentent des parties de courbes d’un ordre très-élevé, et que les segments de cercles n’y étaient employés que très-rarement. Dans les courbes exquises et si bien connues des vases grecs, on ne trouve jamais de parties de cercles. Dans l’architecture romaine au contraire, ce raffinement était déjà perdu : Les Romains étaient probablement aussi peu capables de former les courbes d’un ordre élevé que de les apprécier ; aussi s’en tenaient ils, dans la plupart de leurs moulures, aux parties de cercles qui pouvaient se faire au compas.

Dans les premières œuvres de la période gothique, les tracés à réseaux ne trahissaient pas l’emploi du compas autant que ceux d’une période plus récente, qu’on a appelée avec raison la période géométrique, à cause de l’usage immodéré qu’on faisait du compas.

"Voici une courbe (a) commune à l’art grec comme à la période gothique, et qui faisait les délices des races mahométanes. Elle devient plus gracieuse à mesure qu’elle s’éloigne davantage de la courbe que produirait l’union de deux cercles.

9. On trouve encore un autre charme, qui distingue les œuvres des Arabes et des Maures, dans leur traitement conventionnel des ornements, traitement qu’ils portaient au plus haut degré de perfection, puisque leur croyance religieuse leur défendait de représenter des formes vivantes. Tout en travaillant comme travaille la nature, ils évitaient toujours d’en faire une copie directe ; ils empruntaient à la nature ses principes, mais sans tenter, comme nous, d’en copier les ouvrages. À cet égard encore ils ne se trouvaient pas seuls ; dans toutes les périodes marquées par la foi dans l’art, on trouve l’ornementation ennoblie par l’idéal, et jamais le sentiment de la convenance n’y est froissé par une représentation trop fidèle de la nature.

Ainsi, en Égypte, le lotus taillé en pierre n’était jamais un lotus tel qu’on pourrait cueillir, mais une représentation conventionnelle, en parfaite harmonie avec les membres architecturaux dont elle faisait partie ; c’était le symbole du pouvoir, que le roi exerçait sur les pays où croît le lotus, ajoutant ainsi la poésie à telle partie de la construction, qui sans cela n’aurait été qu’un support grossier. Les statues colossales des Égyptiens, n’étaient point de petits hommes sculptés sur une grande échelle, mais des représentations architecturales de la majesté, des emblèmes du pouvoir du monarque et de son amour immutable pour son peuple.

Dans l’art grec, le traitement conventionnel des ornements, les quels n’étaient pas symboliques comme ceux des Égyptiens, était porté encore plus loin ; et dans la sculpture appliquée à l’architecture, les Grecs adoptèrent un traitement conventionnel de la pose aussi bien que du relief, qui différait bien du traitement de leurs œuvres isolées.

Dans les meilleures périodes de l’art gothique, les ornements fleuronnés se traitaient conventionnellement, sans qu’on visât jamais à une imitation directe de la nature ; mais avec le déclin de l’art, les ornements devinrent moins idéalisés et plus rapprochés de l’imitation directe.

  1. Toutes les compositions en carrés ou en cercles seront monotones, n’offrant que peu de plaisir, parce que les moyens qui ont servi à les produire sont trop visibles. De même, les compositions distribuées en lignes ou en divisions égales, seront moins belles que celles, qu’on ne peut apprécier que par un effort de perception plus grand.
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