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ORNEMENTS MAURESQUES.

La même décadence peut être tracée dans les vitraux peints, où les figures, aussi bien que les ornements, ne furent traités d’abord que d’une manière conventionnelle, mais quand l’art pencha vers le déclin, les figures et les draperies, à travers lesquelles le jour devait être transmis, eurent leurs nuances et leurs ombres.

Dans les premiers manuscrits enluminés, les ornements étaient conventionnels, et les enluminures étaient en teintes plates, n’ayant que peu de nuances et point d’ombre ; tandis que dans les manuscripts plus récents on employa comme ornements, des représentations soigneusement finies de fleurs naturelles qui jetaient leurs ombres sur la page.

DU COLORIS DES ORNEMENTS MAURESQUES.

En examinant le système de coloris adopté par les Maures, nous trouverons que pour la couleur comme pour la forme, ils suivaient certains principes fixes, fondés sur l’observation des lois de la nature, qu’ils observaient en commun avec toutes les nations qui ont pratiqué les arts avec succès. Les mêmes principes si éminemment vrais, prévalent dans tous les styles archaïques de l’art, exercés pendant les périodes de la foi ; et quoique nous trouvions dans chacun d’eux un cachet plus ou moins local et temporaire, nous y discernons bien des choses qui sont éternelles et immutables : les mêmes grandes idées, réalisées en différentes formes et exprimées, pour ainsi dire, en différentes langues.

10. Les anciens employaient la couleur comme auxiliaire dans le développement de la forme, et s’en servaient comme d’un moyen pour faire ressortir davantage les linéaments de la construction d’un bâtiment.

Ainsi, dans la colonne égyptienne, dont la base représentait la racine — le fût, la tige — le chapiteau, les boutons et les fleurs du lotus ou du papyrus ; les couleurs s’employaient de manière à augmenter l’apparence de la force de la colonne et à développer plus pleinement les contours des différentes lignes.

Dans l’architecture gothique aussi, la couleur s’employait comme un auxiliaire qui aidait à développer les formes des panneaux et des réseaux ; ce qu’elle effectuait à un degré, dont il serait difficile de se faire une idée dans l’état incolorié de nos bâtiments actuels. Ainsi dans les fûts élancés de leurs hauts édifices, l’idée de l’élévation se trouvait encore augmentée par les lignes de couleur, qui s’élançaient en spirales vers le haut, et qui, en même temps qu’elles ajoutaient, en apparence, à la hauteur de la colonne, contribuaient aussi à en définir la forme.

De même, nous trouvons dans l’art oriental, que les lignes de construction du bâtiment sont parfaitement définies par les couleurs, dont l’application judicieuse a toujours pour résultat d’ajouter, en apparence, à la hauteur, à la longueur, à la largeur, ou au calibre de l’objet ; et dans les ornements en relief, les couleurs développent constamment des formes nouvelles, lesquelles auraient été perdues entièrement sans le coloris.

En cela, du reste, les artistes n’ont fait que suivre l’inspiration motrice de la nature, qui dans toutes ses œuvres accompagne la transition de la forme par une modification de couleur, disposée de telle manière, qu’elle aide à produire de la netteté dans l’expression. Les fleurs, par exemple, sont séparées par la couleur, de leurs feuilles et de leurs tiges, et celles-ci, à leur tour, se distinguent du sol dans lequel elles croissent. Il en est de même de la figure humaine, où le changement de la forme est toujours marqué par un changement de couleur ; ainsi la couleur des cheveux, des yeux, des paupières, des cils, ainsi que le teint sanguin des lèvres et la fleur vermeille des joues, ajoute à la netteté et aide à faire ressortir la forme plus visiblement. Nous savons tous jusqu’à quel point l’absence, ou la détérioration de ces couleurs, que la maladie cause souvent, contribue à ôter aux traits leur signification et leur expression. Si la nature n’avait appliqué qu’une seule couleur à tous les objets, ceux-ci auraient été aussi indistincts pour la forme, que monotones pour l’aspect. C’est la variété sans bornes des teintes, qui perfectionne le modelé et définit les contours de chaque objet ; qui sépare le chaste lis, des herbes au milieu desquels il s’élance, comme elle détache le glorieux soleil, la source de toute couleur, du firmament dans lequel il brille.

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