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ORNEMENTS MAURESQUES.

11. Les couleurs que les Maures appliquaient à leurs ouvrages en stuc étaient, sans exception, des couleurs primaires ; le bleu, le rouge, et le jaune (or). Les couleurs secondaires, le pourpre, le vert et l’orangé, ne se rencontrent que dans les lambris feints en mosaïque, lesquels, se trouvant plus rapprochés de la vue, offrent un point de repos, après le coloris plus brillant qui se trouve au-dessus. Il est vrai que de nos jours, nous trouvons que le fond de plusieurs de leurs ornements est vert, mais un examen plus minutieux ne manquera pas de nous démontrer, que la couleur appliquée dans l’origine avait été le bleu, lequel, étant une couleur métallique, a été tourné en vert par l’effet du temps. La preuve en est dans les particules de couleur bleue, qu’on rencontre partout dans les crevasses ; d’ailleurs les rois catholiques, en faisant exécuter des restaurations, ont fait repeindre le fond des ornements, en vert aussi bien qu’en pourpre. Il est digne de remarque, que parmi les Égyptiens, les Grecs, les Arabes et les Maures, les couleurs primaires s’employaient toujours, pour ne pas dire exclusivement, pendant les premières périodes de l’art, tandis que durant la décadence, les couleurs secondaires acquirent plus d’importance. Ainsi, si nous prenons l’Égypte, nous trouvons que les couleurs primaires prédominent dans les temples pharaoniques, et les secondaires dans les temples ptolémaïques ; de même on trouve les couleurs primaires dans les premiers temples grecs, tandis qu’à Pompéï en employait toutes les variétés de nuances et de tons.

Au Caire moderne, et à l’Orient en général, le vert se trouve toujours côte à côte avec le rouge, là où dans les temps plus reculés on aurait employé le bleu.

La même chose est vraie à l’égard des œuvres du moyen-âge. Dans les plus anciens manuscrits, ainsi que dans les vitraux peints, on employait principalement les primaires, sans exclure toutefois les autres couleurs ; tandis que dans les époques plus récentes, nous trouvons toutes les variétés de nuances et de teintes, mais elles s’employaient rarement avec le même degré de succès.

12. Chez les Maures les couleurs primaires s’appliquaient, comme règle générale, sur les parties supérieures des objets, les secondaires et les tertiaires sur les parties inférieures ; ce qui paraît être d’accord avec la loi de la nature, où nous avons le bleu primaire au ciel, le vert secondaire aux arbres et aux champs, pour finir avec les couleurs tertiaires sur la terre. De même, nous trouvons dans les fleurs, les primaires aux boutons et aux fleurs, et les secondaires aux feuilles et aux tiges. Les anciens ont toujours observé cette règle pendant les meilleures périodes de l’art. Nous voyons, cependant en Égypte, le vert, qui est une couleur secondaire, employé quelquefois dans les parties supérieures des temples, mais cela vient de ce qu’en Égypte les ornements étaient symboliques, c’est pourquoi si une feuille de lotus était représentée sur la partie supérieure d’un bâtiment, il fallait nécessairement la colorier en vert, ce qui n’empêchait nullement la loi d’être vraie au fond, et l’aspect général d’un temple égyptien de l’époque pharaonique, présente les primaires en haut et les secondaires en bas ; mais dans les édifices de l’époque ptolémaïque, et surtout dans ceux de la période romaine, cet ordre était renversé, et les chapiteaux aux feuilles de palmiers et de lotus, fournissent une surabondance de vert appliqué aux parties supérieures des temples.

À Pompéï, nous trouvons quelquefois dans l’intérieur des maisons, une gradation de couleurs allant en descendant du plafond et passant par degré, du clair au sombre, jusqu’à ce qu’elle finisse en noir ; cependant ce n’est point une chose assez universelle, pour nous convaincre que ce fût là la loi générale. Nous avons montré, au contraire, au chapitre V., qu’il y avait de nombreux exemples où le noir était appliqué immédiatement au-dessous du plafond.

13. Malgré les couches minces de blanc de chaux, appliquées à différentes reprises, qui de nos jours couvrent les ornements de l’Alhambra et de la cour des Lions surtout, nous pouvons dire, que nous avons eu bonne autorité pour le coloris tout entier que nous avons donné à notre reproduction ; d’abord parce que dans plusieurs endroits, on n’a qu’à écailler le blanc de chaux pour voir les couleurs dans les interstices des ornements, d’ailleurs le coloris de l’Alhambra a été exécuté d’après un système si parfait, que tous ceux qui se donnent la peine d’en faire l’étude, peuvent à la première vue d’un

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