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ORNEMENTS DE LA RENAISSANCE.

des ornements, dont le principal trait caractéristique n’était plus alors, comme auparavant, la simple imitation soigneuse de la nature, mais plutôt une reproduction conventionnelle de l’antique. Les noms de Mino da Fiesole — le plus grand parmi les artistes de l’école des Fiesolani — de Benedetto da Majano, et de Bernardo Rossellini, nous rappellent les nombreux monuments exquis qui abondent dans les églises de Florence et des autres principales villes du Grand-Duché. Ces artistes excellaient dans les ouvrages en bois, en pierre et en marbre ; et leurs ouvrages dans ce style de l’art, n’ont été surpassés que par ceux de leurs prédécesseurs, dont nous avons parlé, et par ceux d’un petit nombre de leurs contemporains. Parmi ceux-ci nous nommerons Andrea Contucci, mieux connu sous le nom de Sansovino l’aîné, comme prééminent dans son art ; et il serait impossible de porter le modelé des ornements à un plus haut degré de perfection, que celui qu’il a déployé dans les monuments admirables, qui font la gloire de l’église de Sta. Maria del Popolo, Rome. Son élève Jacopo Tatti, qui prit dans la suite le nom de son maître, est le seul artiste qu’on puisse regarder comme son rival. Nous en parlerons ci-après.

Ayant tracé succinctement la succession historique des grands sculpteurs de l’Italie, qui étaient tous ornementistes en même temps que sculpteurs, nous allons signaler quelques unes des leçons, qu’à notre avis, l’étude de leurs ouvrages ne peut manquer d’enseigner aux artistes et aux artisans. Une des qualités les plus séduisantes, qui distingue plus particulièrement les ornements supérieurs en relief du Cinque-cento, c’est le talent judicieux avec lequel ceux qui les ont produits, ont su tirer parti du jeu de la lumière et de l’ombre, produit par les variations infinies du plan, non seulement sur des surfaces parallèles au fond d’où s’élève l’ornement, mais aussi sur des surfaces qui en forment les tangentes aux angles de contact qui varient à l’infini.

Entre un enroulement en forme de volute, où le relief diminue graduellement depuis le départ jusqu’à l’œil de la volute, et un enroulement où le relief est uniforme sur toute l’étendue, la différence de l’effet est très-grande ; et c’est à leur préférence constante pour la première de ces formes, que les artistes du Cinque-cento sont redevables des résultats infailliblement agréables, qu’ils ont atteints dans les combinaisons les plus simples, comme dans les plus compliquées, de leurs formes spirales.

Cette appréciation raffinée des nuances délicates du relief en sculpture, fut portée à sa plus grande perfection par Donatello, dont l’autorité, en fait de goût, avait le plus grand poids possible chez ses contemporains de Florence, et dont l’exemple fut suivi avec respect et dévotion par les artistes de toutes les classes. Il n’a pas été seulement le premier à pratiquer le bassissimo relievo, où l’effet de la projection et du modelé arrondi est produit dans des limites de relief si minimes, qu’elles paraissent presque impraticables, mais il a été aussi le premier à combiner ce genre d’ouvrage avec le mezzo et l’alto relievo ; et au moyen de cette combinaison il parvint à diviser son sujet en différents plans, presque comme dans une peinture. Donatello connaissait trop bien son métier pour jamais dépasser les conventions spéciales de la sculpture, mais il enrichit la pratique des Cinque-centisti florentins, de nombreux éléments dérivés de l’art de la peinture. Ces inventions — car elles sont presque dignes de ce nom, quoiqu’elles ne soient que le fruit d’une étude soigneuse de l’antique — furent adoptées et imitées avidement par les ornementistes de l’époque, et c’est à ces inventions qu’on peut faire remonter la trace de la supériorité technique si frappante, qui distingue les meilleures sculptures et le modelage de la renaissance.

Enfin, quand ce système de l’arrangement régulier des ornements en plans, eut atteint à l’apogée de la perfection, les effets de lumière et d’ombre se trouvèrent ménagés si ingénieusement, que vu de loin, le relievo ne présentait que des points disposés symétriquement en rapport avec certaines figures géométriques dominantes. En s’approchant de quelques pas, l’œil pouvait démêler les lignes et les figures qui joignaient les points des plus saillants. En se reprochant de plus près encore, on distinguait les feuillages et les tendrons, qui servaient à donner une idée tangible du type de la nature reproduit conventionnellement, et plus l’inspection était minutieuse et rapprochée, plus elle découvrait l’appréciation parfaite de

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