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ORNEMENTS DE LA RENAISSANCE.


Petits pilastres d’un escalier en marbre de l’église de Sta Maria dei Miracoli, Venise, par Tullio Lombardo, vers l’an 1455.

Petits pilastres d’un escalier en marbre de l’église de Sta Maria dei Miracoli, Venise, par Tullio Lombardo, vers l’an 1455.
la part de l’artiste, de tous les raffinements du tissu de la surface. La « cisellatura, » ou « ciselure, » des meilleurs ornements italiens de la période du cinque-cento, telle qu’on en voit dans l’église dei Miracoli, Venise (fig. 1, 8, 9, planche LXXIV.), par les Lombardi ; dans l’église de Sta. Maria del Popolo (fig. 1, planche LXXVI.), Rome, par Sansovino ; sur les portes du baptistère, Florence (fig. 3, planche LXXV.), par Ghiberti ; dans les sculptures de San Michele di Murano (fig. 4, 6, planche LXXIV.) ; à la Scala di San Marco (fig. 2, planche LXXIV.) ; à la Scala dei Giganti (fig. 5, 7, planche LXXIV.), et dans d’autres bâtiments de Venise, est au dessus de toutes louanges. Jamais on n’y voit les fibres d’une feuille ou d’un tendron tournées dans une fausse direction, jamais la tendance gracieuse que la nature déploie dans la croissance, n’y est pervertie ou mal entendue. La polissure et les détails n’y trouvent leur place, qu’autant qu’ils ont quelque fonction spécifique à remplir ; et quoique le travail y ait été prodigué à pleines mains, à tel point que chaque touche prouve que c’était un travail d’amour, il n’y est jamais prodigué en pure perte, comme cela arrive souvent de nos jours, où l’on transforme quelquefois en dessins primaires ceux qui, au point de vue de l’intérêt, devraient être secondaires ou tertiaires.

L’introduction dans les bas-reliefs des éléments, qui sont du domaine de la peinture, dégenéra bientôt en confusion entre les mains d’artistes moins pénétrés que Donatello, de l’appréciation des limites exactes du traitement conventionnel en fait de sculpture. Le grand Ghiberti même a gâté l’effet de plusieurs de ses compositions les plus gracieuses, par l’introduction de la perspective et d’autres accessoires copiés trop directement d’après nature. Dans quelques uns des ornements sculptés de Certosa, cette faute est poussée à un tel point d’exagération, que des monuments qui, par leur beauté et leur dignité devraient inspirer au spectateur une admiration grave et sérieuse, ne servent qu’à l’amuser — ressemblant à une maison de poupées peuplée de fées, décorée de guirlandes, revêtue de tablettes, et couverte fantastiquement de feuillage, au lieu de représenter des œuvres d’art importantes, élevées en commémoration des morts, ou destinées à un usage sacré.

Un autre reproche qu’on peut adresser avec justice à bon nombre de ces monuments, c’est que les idées que leur destination doit nécessairement faire naître, s’accordent mal avec les ornements déployés dans les frises, les pilastres, les panneaux, les tympans, et les autres points enrichis d’ornements. Les masques tragiques et comiques, les instruments de musique, les ornements terminaux semi-priapiques, les autels antiques, les trépieds, les coupes à libations, les amorini dansants, les hybrides monstres marins et les chimères, sont peu en harmonie avec des monuments érigés dans des édifices consacrés ou dédiés au culte religieux. Il ne serait pas juste cependant, de mettre la faute de confondre le sacré avec le profane, entièrement sur le compte des artistes de la renaissance, dont les œuvres ne servaient qu’à refléter l’esprit prédominant de l’époque, où la rénovation du symbolisme mythologique n’était qu’une protestation contre les entraves gênantes d’une tradition ascétique, érigée en dogme sous la domination de l’Est, et endossée par l’église pendant les siècles, où l’ascendant qu’elle exerçait sur une population ignorante et turbulente, avait atteint le comble de sa hauteur. Au quatorzième siècle l’esprit des hommes les plus religieux était imbu des associations les plus incongrues ; et il n’est pas nécessaire d’aller au-delà de la « Commedia » de Dante, désignée par le monde littéraire comme le poème épique divin,

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