Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/105

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que, et une femme leur sert de guide. La chronique de Saint-Gall a conservé ce gracieux récit, qui n’ôte rien à la gravité des mœurs monastiques. On raconte que la princesse Hedwige, fiancée dans sa jeunesse à l’empereur d’Orient, avait appris la langue grecque. Mais, cet engagement rompu, Hedwige avait donné sa main au landgrave de Souabe, qui la laissa bientôt veuve et libre de vivre dans la prière et dans l’étude. Elle prit donc sa demeure non loin de l’abbaye, et là elle se faisait instruire par un moine ancien et nourri de toutes les sciences de ce temps. Il arriva qu’un jour le vieillard se laissa accompagner par un jeune novice, et, la landgravine ayant demandé quel caprice amenait cet enfant, celui-ci répondit en vers « qu’à peine latin, il « voulait devenir grec : »

Esse velim græcus, cum vix sim, domna, latinus.

Le vers était mauvais, mais l’enfant était beau et docile. Hedwige le fit asseoir à ses pieds, et ce premier jour elle lui apprit une antienne de la liturgie byzantine. Elle lui continua ses soins jusqu’à ce qu’il entendît la langue de saint Jean Chrysostome et qu’il pût l’enseigner aux autres. Voilà par quelle noble main les lettres grecques furent ramenées à Saint-Gall. Hedwige, satisfaite des leçons qu’elle avait reçues et données, combla de largesses la savante abbaye. On remarquait parmi ses présents une aube d’un travail merveilleux, où étaient brodées les Noces de Mercure et de la Philologie.