Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les lettres ne périssaient donc pas. Elles languissaient dans les pays latins, en Italie, en Espagne, en France. Cependant l’enseignement s’y perpétue ; et j’en trouve l’héritier glorieux dans un homme qui appartient à ces trois pays par sa naissance, son éducation et sa fortune : je veux parler de Gerbert, ce moine d’Aurillac, instruit, non chez les Arabes de Cordoue, comme on l’a cru, mais à l’école épiscopale de Vich, en Catalogne, et porté par l’admiration de ses contemporains jusque sur la chaire de saint Pierre. Cet homme illustre suffit pour défendre l’Europe méridionale du reproche de barbarie, et nous dispense de nommer les ouvriers moins connus qui travaillaient dans l’ombre, mais avec persévérance, à entretenir la chaîne de la tradition.

Il fallait assurément conserver la tradition, sans laquelle il n’y a pas de progrès, mais il fallait y ajouter. L’antiquité n’avait plus de formes assez variées, assez vivantes, pour suffire au génie des temps nouveaux : les langues modernes devaient naître. Alfred, qui apprenait le latin à trente-six ans, savait à douze ans les chants héroïques des Anglo-Saxons. Il acheva de fixer cet idiome tout poétique, et par conséquent mobile, en l’écrivant en prose, en le forçant de traduire la pensée ferme et précise des anciens. En même temps les moines de Saint-Gall s’attachent à faire passer non-seulement les chants de l’Église, mais les Catégories d’Aristote, mais l’encyclopédie de Martianus Capella, dans cette langue teutonique dont l’empereur Julien comparait